The Tempest / La Tempête
SHAKESPEARE
*
[V, 1.]
They enter the cave and return, after a short pause ; PROSPERO 'in his magic robes'.
PROSPERO
Now does my project gather to a head:
My charms crack not: my spirits obey, and Time
Goes upright with his carriage... How's the day?
ARIEL
On the sixth hour, as which time, my lord,
You said our work should cease.
PROSPERO
I did say so,
When first I raised the tempest... Say, my spirit,
How fares the king and's followers?
ARIEL
Confined together
In the same fashion as you gave in charge,
Just as you left them—all prisoners, sir,
In the line-grove which weather-fends your cell.
They cannot budge till you release: The king,
His brother, and yours, abide all three distracted,
And the remainder mourning over them,
Brimful of sorrow and dismay: but chiefly
Him you termed, sir, 'The good old lord, Gonzalo.'
His tears run down his beard, like winter's drops
From eaves of reeds... Your charm so strongly works 'em,
That if you now beheld them, your affections
Would become tender.
PROSPERO
Dost thou think so, spirit?
ARIEL
Mine would, sire, were I human.
PROSPERO
And mine shall...
Hast thou--which art but air—a touch, a feeling
Of their afflictions, and shall not myself,
One of their kind, that relish, all as sharply,
Passion as they, be kindlier moved than thou art?
Though with their high wrongs I am struck to th' quick,
Yet, with my nobler reason, 'gainst my fury
Do I take part: the rarer action is
In virtue than in vengeance: they being penitent,
The sole drift of my purpose doth extend
Not a frown further: Go, release them, Ariel.
My charms I'll break, their senses I'll restore,
And they shall be themselves.
ARIEL
I'll fetch them, sir.
[vanishes.
PROSPERO [traces a magic circle
with his staff]
Ye elves of hills, brooks, standing lakes and groves,
And ye, that on the sands with printless foot
Do chase the ebbing Neptune, and do fly him
When he comes back: you demi-puppets, that
By moonshine do the green-sour ringlets make,
Whereof the ewe not bites: and you, whose pastime
Is to make midnight mushrumps, that rejoice
To hear the solemn curfew,--by whose aid,
Weak masters though ye be, I have bedimmed
The noontide sun,called forth the mutinous winds,
And 'twixt the green sea and the azured vault
Set roaring war: to the dread rattling thunder
Have I given fire, and rifted Jove's stout oak
With his own bolt: the strong-based promontory
Have I made shake, and by spurs plucked up
The pine and cedar... graves, at my command,
Have waked their sleepers, oped, and let 'em forth
By my so potent art... But this rough magic
I here abjure: and, when I have required
Some heavenly music—which even now I do--
[lifting his staff.
To work mine end upon their senses, that
This airy charm is for, I'll break my staff,
Bury it certain fathoms in the earth,
And deeper than did ever plummet sound
I'll drown my book.
(…)
ACTE V
*
SCÈNE PREMIÈRE
Ils entrent dans la grotte, et en ressortent après une courte pause. PROSPÉRO 'revêtu de sa robe magique'.
PROSPÉRO
Mon plan achève de mûrir : mes sortilèges
Prospèrent, mes esprits m'obéissent, le Temps
Porte sa charge allègrement. L'heure du jour?
ARIEL
C'est la sixième, maître, dont tu m'avais dit
Qu'elle verrait la fin de nos travaux.
PROSPÉRO
C'est vrai,
Je te l'ai dit quand j'ai soulevé la tempête...
Mais, esprit, qu'en est-il, du roi et de sa suite?
ARIEL
Ils sont confinés ensemble, selon tes ordres,
Tout comme tu les as laissés : captifs, seigneur,
Du bosquet de tilleuls qui protège ta grotte ;
Ils ne sauraient bouger que tu ne les libères.
Le roi, son frère et le tien propre sont toujours
Dans le délire et tous les autres s'en désolent,
Débordant d'affliction comme de désarroi,
Mais celui-là surtout, maître, que tu nommais
Le bon vieux seigneur Gonzalo : ses larmes coulent
Parmi sa barbe ainsi que les gouttes, l'hiver,
Du chaume des auvents. Ta magie les travaille
Si puissamment qu'il suffirait que tu les visses
Pour que ton coeur en fût attendri.
PROSPÉRO
Tu le crois,
Esprit?
ARIEL
Ainsi, seigneur, en serait-il du mien
Si j'étais homme.
PROSPÉRO
Ainsi en sera-t-il du mien.
Te voici, toi qui n'es qu'un souffle, ému, touché
De leurs peines, et moi, qui suis de leur espèce,
Qui ressens tout comme eux le dard de la souffrance,
Je n'aurais pas le coeur remué de pitié
Plus que le tien? Grands sont leurs torts : j'en suis blessé
Au vif, mais contre ma fureur je me rallie
À ma raison plus généreuse : la noblesse
Confère à l'acte un plus haut prix que la vengeance.
Dès lors qu'ils se repentent, je m'arrête là
Sans froncer le sourcil plus outre. Va, Ariel,
Délivre-les. Car je romprai mes sortilèges,
Leur rendrai la raison, et ils seront eux-mêmes.
ARIEL
J'y vais, maître, j'y vais.
Il disparaît.
PROSPÉRO, traçant un cercle magique.
Vous, lutins des collines,
Des bosquets, des ruisseaux et des étangs sans rides ;
Vous qui, d'un pied sans trace, agacez sur le sable
Neptune refluant pour, s'il revient, le fuir ;
Vous, petites marionnettes, qui tracez
Au clair de lune les anneaux d'âcre verdure
Où la brebis ne broute point ; vous qui par jeu
Faites croître les mousserons à la minuit
Et dont le grave couvre-feu réjouit l'oreille ;
Grâce à vous, si frêles pourtant, j'ai obscurci
Le soleil méridien, sommé les vents rebelles
Pour, entre la mer glauque et la voûte azurée,
Déchaîner le fracas de la guerre ; au tonnerre
Terrible et redondant j'ai prêté feu ; fendu
Le chêne de Jupin avec sa propre foudre,
Le massif promontoire ébranlé sur sa base
Et par leurs griffes arraché sapins et cèdres.
Les tombeaux, réveillant les dormeurs à mon ordre,
Se sont ouverts afin de les laisser sortir
Tant sont puissants mes charmes... Mais cet art grossier
Je l'abjure et dès lors que j'aurai suscité
Il lève sa baguette.
(Voici, je la requiers !) la musique céleste
Qui doit aux fins que je poursuis plier les sens
Auxquels est destiné ce charme aérien,
Je briserai ma baguette, je l'enfouirai
À plusieurs coudées dans le sein de la terre
Et plus profond que jamais sonde ne parvint
Je noierai ce mien livre !
(…)
SHAKESPEARE,
The Tempest / La Tempête, texte original et traduction de Pierre Leyris,
GF-Flammarion, 1991, extrait pages 242-247.
Ariel & Prospero -I- Les deux versions : Martine Cros ---aquarelle, acrylique & encre sur papier Figueras