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aller aux essentiels

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L'atelier Poésie de Martine Cros


Les icônes païennes d'Ernest Pignon-Ernest

Publié par http:/allerauxessentiels.com/ sur 8 Août 2016, 00:00am

Catégories : #Extraits - Ressentis de lectures, #Ernest Pignon-Ernest

Détail de "Cabines téléphoniques", Sérigraphie, Lyon, 1996

Détail de "Cabines téléphoniques", Sérigraphie, Lyon, 1996

 

 

In ArtPress de juillet-août 2016, pages 48/53,

bilingue français/anglais, 

une interview par Jacques Henric :

Les icônes païennes d'Ernest Pignon-Ernest

 

 

- Extraits -

 

 

 

 

 

Le MAMAC (musée d'art moderne et contemporain) de Nice consacre jusqu'au 27 novembre une vaste rétrospective à l'oeuvre d'Ernest Pignon Ernest. Une excellente initiative qui va enfin donner une pleine visibilité au travail de cet artiste très singulier, souvent mal compris de la critique officielle, boudé par les institutions culturelles et les grands musées parisiens, mais reconnu par les meilleurs écrivains et philosophes de son temps et admiré à l'étranger par de grands peintres comme Francis Bacon.

 

 

°Le Mamac te consacre une grande exposition rétrospective. Néanmoins, tes oeuvres sont conçues pour être montrées dans les rues, pas dans un lieu institutionnel. 

Pour être précis, elles ne sont pas montrées dans la rue, elles sont la rue même (...). L'essentiel, c'est l'espace et le temps dans lesquels le dessin trouvera sa place. Je dirais que ce travail tient plus d'un art "contextuel" ou même du ready-made que de ce qu'on appelle en ce moment le street art. On a souvent écrit que je réalisais des oeuvres en situation. J'ai retourné la chose en affirmant plutôt que je faisais des oeuvres des situations. (...) Mon projet pour Nice est d'exposer la démarche, de montrer un processus de travail. (...) Il y aura dans l'exposition beaucoup d'esquisses, de dessins préparatoires, de projets abandonnés, par exemple des dessins faits pour la rue et dont je me suis rendu compte que l'échelle ne convenait pas. Le parti pris de l'échelle 1 est essentiel : il faut que l'image s'inscrive dans le lieu physiquement, qu'elle fasse corps avec et que le lieu réel soit ainsi perçu comme un lieu représenté.(...)

 

°Tu dois probablement enquêter sur le lieu où va prendre place ton dessin...

Le lieu est à la fois ma palette, mon matériau et mon sujet, je dois en saisir toutes les potentialités (l'espace, la texture des murs)... dans une approche à la fois de peintre et de sculpteur. J'y vais à différentes heures de la journée pour comprendre comment joue la lumière, j'anticipe la distance à laquelle l'image sera découverte, brusquement dans un face-à-face ou progressivement, de loin, en avançant vers elle. Simultanément, j'étudie l'histoire du lieu, ses légendes, ce qui souvent ne se voit plus. (...)

A Naples, j'ai travaillé sur cette omniprésence des représentations de la mort que sécrète cette ville depuis deux mille ans, dans la façon de dessiner les corps, les linges, les cavités, d'y faire circuler la lumière et l'ombre, les ténèbres qui absorbent tout. (...) J'ai mis des mois, à travers des lectures de Virgile à Erri de Lucca, de la Bible aux Evangiles, à approcher cet écheveau d'histoire, de mythes enchevêtrés, à comprendre ce syncrétisme grec, romain, chrétien, et à me forger un "graphisme" caravagesque, tant s'est imposée cette évidence que j'aurais dû pressentir dès le premier jour que la peinture de Caravage - sa lumière, ses ténèbres - incarnait la sensualité et ce sentiment de la mort qui règne à Naples. (...)

Autre chose : j'étais ami à Nice avec des peintres de Support-Surface. Je trouvais intéressant leur réflexion sur le support et la matérialité de la peinture. Ma démarche est à cent lieues de ce parti pris théorique,  mais j'intègre dans mes interventions des choses de cet ordre qui oeuvrent sur le sens. Mes images, bien que très investies, sont imprimées sur un papier fragile, la mort annoncée est un élément qui fait partie de la proposition, elle compte autant que ce qui est figuré. 

 

 

 

Détail élargi

Détail élargi

 

 

(...)

 

°(...) L'exposition à Nice sera-t-elle chronologique?

 

(...)

 

DE MAÏAKOVSKI A RIMBAUD

 

La troisième et dernière salle est consacrée aux poètes, les irréductibles, porteurs de paroles, de révoltes et d'utopies, qui m'accompagnent dans les rues depuis cinquante ans, de Maïakovski à Rimbaud, de Neruda à Genet, de Pasolini à Mahmoud Darwich. On y verra le dessin grandeur nature de Louise Lame, personnage du roman érotique de Robert Desnos, la liberté ou l'amour ! à cheval sur les épaules du narrateur, cul nu. 

Il y aura plus d'une centaine de photos, tout ce qui reste souvent de mes interventions, et qui rend lisible le processus de disparition. (...) On verra mes derniers collages, Pasolini, auxquels je tiens beaucoup.

 

 

(...)

 

 

° Reprends-tu ces superbes dessins des grandes mystiques que tu avais exposés à la Salpêtrière? Pour mes travaux napolitains, j'avais rencontré les textes de Loyola dans lesquels il dit qu'il faut imaginer les lieux pour entrer en prière, ce qui ne pouvait que parler à un plasticien comme moi qui envisage toujours ses images dans une relation à l'espace et au temps. Des exercices spirituels, je suis passé à saint Jean de la Croix et à Thérèse d'Avila, puis le mécréant que je suis s'est plongé dans les textes des autres grandes mystiques. Jean-Noël Vuarnet, auteur d'Extases féminines, qui a beaucoup compté dans ce projet, laisse entendre que choisir ce thème n'est jamais bien clair. (...) (C)omment représenter des créatures à la fois incarnées et comme libérées des pesanteurs de la chair? Et c'est en envisageant la feuille non pas seulement comme un support mais comme un élément plastique aussi important que le dessin que j'ai tenté d'évoquer cette aspiration à se "libérer" de la chair. Cette installation ne sera pas montrée au musée, mais dans l'église de l'abbatiale de Saint-Pons, baroque du 18e siècle.

 

 

(...)

 

 

 

Publications: Pour l'amour de l'art, Figures de l'extase, Gallimard, 2015; Ceux de la poésie vécue, Actes Sud, septembre 2016. Ces deux ouvrages présentant des dessins d'Ernest Pignon-Ernest et des textes d'André Velter.

 

 

           

"Se Torno", Travail "Pasolini", Naples-Scampia, 2015

"Se Torno", Travail "Pasolini", Naples-Scampia, 2015

Détail

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