Et j'ai la neige dans la bouche, fermant tes yeux:
petit peuple de hantômes --
(cristallisés froids durs debout sur la langue,
les paupières, en couche légère dans les assiettes,
en mouvement dansant irréfléchi sur le pare-brise,
dans le rêve durant lequel je te)
Page 28
-- si nous nous croisions aujourd'hui
nous ne nous reconnaîtrions pas
je passerais près de toi sans savoir ne sache pas --
-- ni moi je ne suis pas
reconnaissable --
Page 40
Je ne peux pas te dire la cécité de tes yeux
-- entrouverts sans vie noircis
rêveur mort je ne peux pas
déjà surchargé ce n'est plus lui
le rêvé
Page 46
En exergue
Fantôme, n.m.
4) Feuille, carton que l'on
met à la place d'un livre sorti
d'un rayon de bibliothèque,
d'un document emprunté, etc.
Petit Larousse
...mon fils le commandant fantôme de l'écriture
Hélène Cixous
in
hantômes
Isabelle Baladine Howald
Editions Isabelle Sauvage
mai 2016
Peinture :
Les Trois Âges de la femme, détail, 1905,
par Gustav Klimt (1862-1918)
A propos du TAG : Entre Brahms et Trakl :
Sur le marché de la poésie 2016, place Saint-Sulpice, j'ai rencontré Marion Graf -- traductrice et critique littéraire, qui a traduit notamment Robert Walser --, présente au marché en tant que responsable de publication de la Revue de Belles-Lettres. Nous avons parlé de Georg Trakl, mon poète fétiche depuis quelques mois maintenant, auquel sa Revue a consacré un pan de son numéro 2014, I. Et c'est Marion Graf qui m'a emmenée vers Isabelle Baladine Howald sur le stand des éditions Isabelle Sauvage, où j'ai acquis ce petit recueil poignant Hantômes.
Isabelle Baladine Howald a traduit Trakl, en particulier pour ce n° 2014, I de la Revue de Belles-Lettres, dans la rubrique Traducere. Mais sur ces poèmes de Trakl traduits par elle, je reviendrai dans un prochain billet.
Ces rencontres sont venues nourrir cet Entre Brahms et Trakl, qui pour moi compose tout un monde, dans lequel je prends place. Un monde de couleurs picturales et musicales qui rythment en ce moment mon écriture et ma peinture ; une richesse de tons, de tonalités, de nuances oscillent dans ma tête entre le fantastique et la réalité la plus dure, que ce soit la réalité du monde humain, ou celle de la nature, si souvent évoquée par mes deux maestros ; cette nature dont les éléments savent se déchaîner et s'apaiser aussitôt dans les concertos ou dans les symphonies de Brahms; cette nature omniprésente dans la poésie de Trakl.
Une série de tableaux Entre Brahms et Trakl voit le jour. La musique du compositeur allemand résonne souvent dans mon atelier. Je me gorge de Sébastien en rêve : " 3 : Rose cloche pascale dans le caveau de la nuit / Et les voix d'argent des étoiles (...)" -- G. Trakl, traduction d'I. Baladine Howald, page 167, pour la Revue de Belles-Lettres -- J'y reviendrai.
Sur le site des éditions Isabelle Sauvage
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