Notes de soir : " ... de la reconnaissance ..."

Élise Vigneron, en compagnie d’un être de glace.

   Ce matin je me suis éveillé sur un ou deux mots perdus suivis de "... de la reconnaissance... de la reconnaissance". Quels étaient les mots perdus, je ne parviens plus à le savoir. Le temps était orageux hier soir, il l'est resté la nuit, j'ai eu trop chaud, je me suis agité au cours de la nuit. Ces mots m'ont fait impression. La reconnaissance peut être le remerciement, l'action de grâce et je me sens depuis longtemps bien insuffisant dans ce domaine. Elle peut être aussi une autre forme de la connaissance, celle qui consiste à déchiffrer ce qui est, à retrouver ce qu'on sait mais que constamment on oublie.

   J'ai une dette de reconnaissance envers Antigone. Elle m'a été envoyée mystérieusement à travers le travail et le temps de l'écriture. Mais je dois aussi reconnaître en elle et dans mon rapport à elle des choses que j'ai laissées s'ensevelir et que je dois à nouveau déchiffrer et vivre. Antigone est une entreprise d'écriture mais aussi une entreprise de vie. 

   Duras : "Quand on a entendu le corps, je dirais le désir, enfin, ce qui est impérieux en soi, quand on a entendu à quel point le corps peut hurler ou tout faire taire autour de lui, mener la vie entière, les nuits, les jours... si l'on n'a pas connu la passion qui prend cette forme, la passion physique, on ne connaît rien."

   Duras : "On a une vie très pauvre, les écrivains, je parle des gens qui écrivent vraiment... Je ne connais personne qui ait moins de vie personnelle que moi."

   [...]

     Ces jours-ci comme le remarque Marguerite Duras je n'ai presque aucune vie personnelle, l'écriture exige tout le temps libre et presque toute la pensée, pourtant je ressens une paix qui est presque un bonheur. Un bonheur gris.

Henry Bauchau, dans "28 Août [1992], in Journal d'Antigone, 1989 - 1997, Actes Sud éditions, 1999, pages 176-178.

Chacun va bientôt devoir retrouver l’itinéraire de ses songes et tracer sur la terre et dans le ciel
le chemin inconnu qui correspond à son image intérieure.


Henry Bauchau

Henry Bauchau

Journal d'Antigone 1989-1997

Le journal de l'écrivain couvre les années 1992 à 1997, années pendant lesquelles il a écrit son roman 'Antigone'. Une réflexion au jour le jour sur le proces

https://www.actes-sud.fr/catalogue/memoires-temoignages-et-autobiographies/journal-dantigone-1989-1997

L'éditeur.

Bonlieu scène nationale Annecy - spectacle

http://www.bonlieu-annecy.com/mobile/fiche_spectacle.php?id_spectacle=437

Source des photographies, issues du spectacle "Anywhere", d’après Henry Bauchau - "Œdipe sur la route" -, par la compagnie d'Elise Vigneron, en tournée jusqu'au 30 mars 2018.

Accueil - Théâtre de l'Entrouvert - La compagnie de Élise Vigneron

http://lentrouvert.com/

Henry Bauchau, l'intégrale en cinq entretiens (2009) - France Culture

https://www.franceculture.fr/dossiers/henry-bauchau-l-integrale-en-cinq-entretiens-2009

Merci, France Culture! En particulier, le quatrième épisode touche à la poésie : "Dans ce quatrième épisode de cette rencontre "A voix nue" avec Henry Bauchau, en 2009, l'auteur revient plus particulièrement sur sa poésie, première dans son travail d'écriture même s'il a aussi publié romans, récits, correspondances ou encore pièces de théâtre. Lui qui avait dit par le passé avoir tenté "du plus profond de la détresse, la chose la plus déraisonnable : écrire de la poésie" revientsur ses épisodes dépressifs sévères et la manière dont il percevait alors la poésie à la fois "la chose la plus difficile" et aussi une solution pour "réapprendre à écrire".

Un Sage.