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aller aux essentiels

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L'atelier Poésie de Martine Cros


[SUR MON COU sans armure...] et [La rose] - Genet-le-fleuri.

Publié par http:/allerauxessentiels.com/ sur 18 Mars 2018, 00:01am

Catégories : #Extraits - Ressentis de lectures, #Jean Genet, #Jacques Derrida

Jean Genet, l'échappée belle - Catalogue Gallimard /Exposition Mucem

Jean Genet, l'échappée belle - Catalogue Gallimard /Exposition Mucem

 

 

 

 

 

 

SUR MON COU sans armure et sans haine, mon cou

Que ma main plus légère et grave qu'une veuve

Effleure sous mon col, sans que ton coeur s'émeuve,

Laisse tes dents poser leur sourire de loup.

 

Ô viens mon beau soleil, ô viens ma nuit d'Espagne,

Arrive dans mes yeux qui seront morts demain.

Arrive, ouvre ma porte, apporte-moi ta main,

Mène-moi loin d'ici battre notre campagne.

 

Le ciel peut s'éveiller, les étoiles fleurir,

Ni les fleurs soupirer, et des prés l'herbe noire

Accueillir la rosée où le matin va boire,

Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir.

 

Ô viens mon ciel de rose, ô ma corbeille blonde !

Visite dans sa nuit ton condamné à mort.

Arrache-toi la chair, tue, escalade, mords,

Mais viens ! Pose ta joue contre ma tête ronde.

 

Nous n'avions pas fini de nous parler d'amour.

Nous n'avions pas fini de fumer nos gitanes.

On peut se demander pourquoi les Cours condamnent

Un assassin si beau qu'il fait pâlir le jour.

 

Amour viens sur ma bouche ! Amour ouvre tes portes !

Traverse les couloirs, descends, marche léger,

Vole dans l'escalier plus souple qu'un berger,

Plus soutenu par l'air qu'un vol de feuilles mortes.

 

Ô traverse les murs ; s'il le faut marche au bord

Des toits, des océans ; couvre-toi de lumière,

Use de la menace, use de la prière,

Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort.

 

 

 

 

 

 

Extrait de Jean Genet, "Le condamné à mort", in Le condamné à mort et autres poèmes, suivi de Le funambule, nrf / Poésie / Gallimard, 1999, pages 17-18.

 

 

 

 

 

 

La rose

Crime

Elle crie.

 

Où l'abeille s'englue. Je l'        Etoile

Jeune étoile de soufre.

 

 

 

L'écran fut occupé soudain par la poitrine de l'étoile. Corsage

de velours noir. Dans l'échancrure, sous mon nez et mes yeux

à vingt fauteuils de là une rose artificielle s'imposa. Puis appa-

rurent au bas de cette rose, juste à la place du coeur de l'étoile,

précédés de trois points de suspension, ces mots :

 

 

... J'ai crié

 

 

​​​​​​​

 

Extrait de Jean Genet, "Poèmes retrouvés", in Le condamné à mort et autres poèmes, suivi de Le funambule, nrf / Poésie / Gallimard, 1999, page 95.

 

 

Alberto Giacometti, Portrait de Jean Genet (détail), 1954-1955 Paris, Centre Pompidou

Alberto Giacometti, Portrait de Jean Genet (détail), 1954-1955 Paris, Centre Pompidou



Je suis seul au monde, et je ne suis pas sûr de n'être pas le roi -- peut-être la fée de ces fleurs. Elles me rendent au passage un hommage, s'inclinent sans s'incliner mais me reconnaissent. Elles savent que je suis leur représentant vivant, mobile, agile, vainqueur du vent.

Jean Genet, extrait du "Journal du voleur", 1949, in Jean Genet, L'échappée belle, Gallimard, 2016, p.18.






Arraisonner, c'est demander des papiers d'identité, une origine et une destination. C'est prétendre reconnaître un nom propre. Comment nommer sans arraisonner ? Est-ce possible ?




Quand Genet donne à ses personnages des noms propres, des espèces de singularités qui sont des noms communs majusculés, que fait-il ? Que donne-t-il à lire sous la cicatrice visible d'une émajusculation qui menace toujours de se rouvrir ? S'il appelle Mimosa, Querelle, Divine, Yeux-Verts, Culafroy, Notre-Dame-des-Fleurs, Divers,

effet sybillin d'arbitraire dans le choix immaculé, dans la conception des syllabes qui nomment et ouvrent la gloire. La convention détrône et couronne à la fois. L'ablation du prénom, le surnom seul faisant office, accumule les pouvoirs de la recoupe, remarque et supprime à l'infini l'unicité dans le commun, l'éparpille dans le sans-nom du variable et diversifiable dès lors que l'individu singulier -- prisonnier de droit commun -- se nomme Divers [...]




*



Dans le "Saint-Genet", la question de la fleur, la question anthologique, entre autres, est infailliblement évitée. Avec celle de la "psychanalyse" et celle de la "littérature", par la plus agile et la plus intelligente des leçons d'ontologie phénoménologique de l'époque, à la française.


[...]


La fleur est "partie". Elle tient de son être-partie la force d'excroissance transcendantale qui la fait seulement paraître telle (transcendantale) et qu'on n'a même plus à déflorer. [...]



Limitons-nous : le glas qui s'élève et résonne à la surface de quelque page -- déjà -- entre "lilas" et "éclats", annonce aussi, la couvrant de fleurs, la mort de tout code, "Le condamné à mort"




*




"Les botanistes connaissent une variété de genêt qu'ils appellent genêt ailé." Elle décrit son vol dans le "Journal" :
"le vol étant indestructible je décidai d'en faire l'origine d'une perfection morale. [...]




Jacques Derrida, "Glas", éditions Galilée, 1974, extraits, pages 13-14, 20-22 & 283.

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