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aller aux essentiels

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L'atelier Poésie de Martine Cros


L'Immobilité battante - Pierre Tal Coat

Publié par http:/allerauxessentiels.com/ sur 5 Août 2017, 00:00am

Catégories : #Extraits - Ressentis de lectures, #Pierre Tal Coat, #Peinture, #L'immobilité battante

Photographie : Michel Dieuzaide

Photographie : Michel Dieuzaide

 

 

 

Pierre Tal Coat


 

L'Immobilité battante


 

Entretiens avec

Jean-Pascal Léger

Photographies de

Michel Dieuzaide


 

Éditions

L'Atelier contemporain

mai 2017

 

Photographies : Michel Dieuzaide

Photographies : Michel Dieuzaide

 

 

 

[Extraits]


 


 


 


 

Entretiens à Dormont, juin 1977/1/


 


 

Vos toiles abstraites d'aujourd'hui, Pierre Tal Coat, les peintures que vous avez entreprises depuis peut-être dix ou quinze ans, ne sont pas en rupture, mais en continuité avec celles qui les précèdent.


 

Oui, c'est une continuité, certainement.

Je crois qu'elles ont surgi d'un contact plus intime avec le monde, d'un approfondissement, un cheminement dans ce monde. Auparavant était beaucoup plus le monde des idées, un monde clos. On traîne toujours des idées, il faut s'en débarrasser. Elles sont utiles bien sûr, mais souvent, en croyant toucher le monde, on ne touche que ses propres idées.

Dès l'origine, l'élément majeur, c'est l'espace – et le fléchissement aussi vers ce qui est une culture de l'art roman, mais dès l'origine il y avait cet appel vers un art « celtique », si je puis dire, de par l'environnement même où j'étais.

Mes dernières toiles éclairent les origines plus que les origines auraient pu aider à éclairer ce que je fais maintenant.


 


 

Page 33


 


 

 


 


 

Dans l'atelier, on se trouve au milieu de toutes les toiles disponibles au regard, on s'y déplace un peu comme dans un labyrinthe, mais un labyrinthe ouvert, où il n'y a rien de caché.


 

C'est un paradoxe, je crois que ce qui est caché est toujours aux yeux du monde. Ce qui nous est offert de pleine lumière est toujours plus caché que le mystère. La lumière est plus impénétrable que l'ombre.


 


 

Page 36

 


 

 

 


 


 

Je me souviens de certains textes où vous écrivez que la peinture est « labourée », « hersée »...


 

Pour moi, c'est un travail « manuel ». Le toucher est très important, le toucher, l'action, l'action passe par les mains. Quand je dessine, je ne pense pas, je dessine. Je m'entraîne de façon que la réaction oculaire, le choc de la lumière et de l'ombre, soit transmise de la façon la plus rapide, qu'il y ait la plus grande agilité du bras, de la main et de tout le corps engagé. Ce n'est pas cosa mentale.


 


 

Page 38


 


 


 


 

/2/



 

Vous avez parlé des peintures préhistoriques. Je vois qu'on a parlé, à votre propos, d'une attention pour la peinture préhistorique et aussi pour la peinture chinoise.


 

Là, je ne suis pas d'accord du tout.

J'ai peut-être été un des premiers à regarder la peinture chinoise, ces fameuses encres de Chine qu'il y avait au Louvre, on ne les voit plus au Louvre d'ailleurs. Mais la peinture chinoise reste un espace fermé. Elle a pu s'exercer autrement dans le temps, il n'y a plus de traces, dans la poterie cela se voit, elle s'est provincialisée dans le temps et dans l'espace. Si on regarde des choses préhistoriques chinoises, elles sont identiques aux choses occidentales. Il n'y a pas de différences. L'autre jour, j'étais encore frappé de cela, dans l'art préhistorique il n'y pas de différences géographiques ou très peu, très, très peu. Les choses d'Altamira ou de l'Espagne, les formes féminines sont identiques à celles qui sont à deux mille kilomètres de là. Parce qu'ils avaient une vision commune de ces problèmes que j'évoque peut-être. Mouvement de l'espace et cette énergie intérieure... Ils ne savaient pas, ils ne savaient pas... Ils étaient libres. C'est quand on sait qu'on n'est plus libre.


 


 

Page 48


 


 


 


 

/3/


 


 

Dans la toile, qu'appelez-vous exactement la lumière?


 

La lumière ? Personne au monde ne saurait définir ce qu'est la lumière. On sait ce que sont les choses éclairées, on ne sait pas ce qu'est la lumière. Je ne sais pas ce qu'est la lumière mais je sens quand une toile est lumineuse, donc quand elle est en expansion. Je le sens et j'ai des éléments qui viennent corroborer mon sentiment. Ces fameux grains qui sortent...


 


 

Page 56


 


 


 


 

/5/


 

Quand vous lisiez des poèmes de Hopkins, ce qui vous entraînait, c'était aussi une perception sans préalable et sans connaissance.


 

Oui, je l'ai peut-être dit maladroitement, mais c'est cela.

Je ne divise pas la vie en écriture, en peinture, en boucherie, en boulangerie... S'il y a quelqu'un devant moi, je ne pense pas qu'il est marqué par des occupations. Il y a quand même autre chose qui fait qu'il y a le semblable en nous qui nous rejoint avant l'occupation et la préoccupation de cette occupation !

Pour moi, vous parliez de ce visage, l'arbre, l'oiseau, le vol, toutes choses ne sont qu'un reflet de ce qui est invisible que je sens très fort : c'est le visage d'ici mais derrière le visage d'ici, pour moi, il y a autre chose. De tout à fait semblable mais évoluant autrement. Pour moi les choses ne sont pas des objets. Le monde est moins catégorique, catégoriel, qu'on ne veut nous le faire croire. On est pris par l'usage et on ne voit pas la réalité.


 


 

Pages 86-87


 

L'Immobilité battante - Pierre Tal Coat

 

 

 

Le regard et la marche

(à Saint-Prex, le 23 décembre 1982)


 


 


 

(Revenir sur la spontanéité.)


 

La spontanéité implique la durée. Il faut bien qu'elle sorte de quelque chose... La marche est une suite de chutes. Toute action implique des aléas, donc des redressements. Pour faire une chose juste, il faut faire son contraire. Il faut l'erreur, il faut que l'erreur soit vue. L'erreur, qu'on va livrer à l'effacement, il faut faire en sorte qu'elle ne se retourne pas contre vous. Avoir des éléments qui fassent que ces enfouis ne se retournent pas contre vous. Plutôt des enfouissements qui seraient des fertilisants. Ils sont là comme des pierres ou des choses enfouies qui par la dynamique des sols ressurgissent et écrivent la mémoire, disent la mémoire. Cette lente montée des choses enfouies, qui surgissent du sol. Les pierres sortent, il y a une poussée vers le haut. La peinture, le monde est perceptible à cause de cette courbure. C'est la lumière.

Un visage, une réalité qu'on ne peut pas saisir. Elle est par-delà la forme, la couleur.

La forme de quoi ? Le contour ?

Je n'ai rien contre le contour. Mais un contour continu n'existe pas. Cela fait partie des shémas.

Un contour continu n'existe pas dans le regard (on sait que l'arête est continue, mais le regard, non). Le contour est discontinu par la lumière. Si pour aller d'un point à un autre, il fallait faire une somme, nous ne serions pas là.

Il faudrait des siècles et des siècles pour parcourir la distance la moindre. Je persiste à croire que, pour moi, il est bon, il est une discipline de toujours contacter, d'être ouvert au monde, de pouvoir dessiner un tas de cendres, une boîte d'allumettes, un oiseau en vol. Mais je n'opterai pas pour la querelle de l'abstraction et figuration. Il y a toujours quelque chose de figuré, je ne vois pas en quoi on peut être réaliste, et hyperréaliste.

Bien sûr, on est un peintre du vingtième siècle, mais cela ne signifie pas une école. Je ne crois pas aux écoles de peinture ; pour la bonne raison que le regard est toujours singulier. À vouloir être de son temps, on peut être du temps des autres et non pas du sien.

Les portraits du Fayoûm sont ce qui m'a alerté, si je puis dire, sur les textures. C'est un regard dehors, vraiment. La peinture occidentale (pas les Romans) est une peinture des ténèbres. Elle part de l'ombre. Pour moi elle a toujours été un monde clos. Au Louvre, les salles de peinture étaient magnifiques. Mais je descendais toujours dans le bas, là je trouvais la clarté. J'étais toujours oppressé. J'allais voir les pierres. C'est ce qui sépare les Antiques et Romans de la peinture qui leur a succédé : j'avais le sentiment que cette peinture était « bloquée ».

Évidemment il y a eu la tentative des Impressionnistes, mais de par la structure des matériaux, ils ont raté le coche. Leur peinture n'est pas dynamique.


 


 

Pages 95/97


 


(Vous n'avez jamais travaillé à un tableau , à un seul à la fois?)

En fait, un tableau devrait tout comprendre. C'est ce que tout peintre essaie de faire.



Page 93

Tal Coat © photo: Claude Gaspari. Source : http://www.kerguehennec.fr/collection-pierre-tal-coat

Tal Coat © photo: Claude Gaspari. Source : http://www.kerguehennec.fr/collection-pierre-tal-coat

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