Ces temps-ci le coeur a soif de beauté
soif sans cesse
soif accrue
par la laideur les offenses le dénuement de sens Chaque jour viendra se déposer
l'une de cette série de six vidéos "Pourquoi la beauté compte" de Roger Scruton
Une découverte sur le scoop it d'Olivier Savitri que je salue avec douceur
Première vidéo
Transcription du sous-titrage
Entre 1750 et 1930, si vous demandiez aux gens éduqués de décrire le but de la poésie, de l’art ou de la musique, ils vous auraient répondu : la beauté.
Et si vous aviez demandé : quel est le but de la beauté, vous auriez appris qu’elle est une valeur aussi importante que la vérité et que la bonté.
Au XXème siècle, la beauté a cessé d’être importante. Un art visant à déranger et à briser des tabous moraux a vu le jour.
Ce n’est pas de la beauté, mais de l’originalité.
Un art sans égard à son élaboration et à son coût moral triompha.
Non seulement l’art est devenu un culte de la laideur, mais l’architecture, aussi, est devenue inanimée et stérile. Et ce n’est pas seulement l’environnement physique qui s’est enlaidi, mais notre langage, nos musiques et nos manières sont constamment vulgaires, centrés sur soi et choquants.
La beauté et les bons goûts n’ont plus de place dans nos vies.
Un mot est inscrit sur toutes les choses laides, et ce mot est « Moi ».
Mes préférences, mes désirs, mes plaisirs.
L’art ne réplique pas à cela, excepté pour « Ouais, vas-y »
Je crois que nous perdons la beauté. Et le danger est que par là, nous perdions le sens de la vie.
Je suis Roger Scruton, philosophe et écrivain.
Ma passion est le questionnement. Au cours des dernières années, je me suis posé des questions sur la beauté.
Elle a été au cœur de notre civilisation pendant environ 2000 ans.
Depuis ses débuts dans la Grèce ancienne, la philosophie s’est intéressée au rôle de la beauté dans les arts, la poésie, la musique, l’architecture et dans la vie quotidienne.
Les philosophes ont affirmé que dans la poursuite de la beauté, nous modelons le monde comme un chez soi. Nous arrivons à comprendre notre nature en tant qu’êtres spirituels. Mais le monde a tourné le dos à la beauté et ainsi nous sommes entouré de laideur et d’aliénation.
Il faut se convaincre que la beauté est importante. Ce n’est pas seulement un concept subjectif mais un besoin universel chez les êtres humains. Si l’on ignore ce besoin, on se retrouve dans un désert spirituel.
Je veux vous montrer le chemin qui mène hors de ce désert. Un chemin qui mène au chez-soi.
Les grands artistes du passé étaient conscients que la vie humaine est remplie de chaos et de souffrances. Mais ils avaient un remède : le nom de ce remède était : Beauté. Les chefs d’œuvres apportent la consolation dans le chagrin et l’affirmation de la joie. Ils démontrent que la vie humaine vaut la peine d’être vécue.
Beaucoup d’artistes modernes sont devenus hésitants face à ce devoir sacré.
L’aspect aléatoire de la vie moderne, disent-ils, ne peut pas être racheté à travers l’art. A la place, cela devrait être exposé. Cette tendance a été instaurée il y a plus d’un siècle par l’artiste français Marcel Duchamp qui signa un urinoir avec un nom fictif : R. Mutt, et le présenta à une exposition.
Cette action était satyrique et visait à ridiculiser le monde des arts et le snobisme qui l’accompagne.
Mais l’interprétation fut différente en démontrant que n’importe quoi peut devenir de l’art.
Comme une lumière s’allumant et s’éteignant (Martin Creed ) .
Un contenant d’excrément (Piero Manzoni ) .
Ou même une pile de briques (Carl André ) .
L’art n’a plus un caractère sacré. On ne vise plus l’élévation morale, spirituelle ; ce n’est qu’une action humaine parmi tant d’autres. Pas plus significative qu’un rire ou qu'un cri.
L’art avait fait de la beauté un culte et, à la place, nous avons maintenant un culte de la laideur. Puisque le monde est dérangeant, l’art devrait en faire autant.
Ceux qui recherchent la beauté dans l’art sont simplement ressentis comme déconnectés de la réalité.
Parfois, l’intention est de nous choquer. Mais ce qui choque une première fois devient ennuyeux après avoir été répété. Ceci fait de l’art une blague élaborée qui a cessé d’être amusante. Si les critiques continuent à l’encourager, je crains d’annoncer que l’empereur n’a plus de vêtements…
L’art et sa créativité ne sont pas conçus n’importe comment, simplement en ayant une idée. Bien sûr, les idées peuvent être amusantes ou intéressantes. Mais cela ne justifie pas l’appropriation du label « art ».
Si une œuvre d’art n’est rien d’autre qu’une idée (et l’image monde l’urinoir) , n’importe qui peut être un artiste, et n’importe quel objet peut être une œuvre d’art. Il n’est plus nécessaire d’avoir du talent, des goûts, ou de la créativité.
Une journaliste
- Votre intention a été, si j’ai bien compris, de dévaluer l’art en tant qu’objet simplement en disant : « Si je dis que l’objet est une œuvre d’art, ça fait de lui une œuvre d’art »
Marcel Duchamp
- Oui mais les mots comme « œuvre d’art » ne sont pas important pour moi. Je me fous du mot « art » car il a été tellement discrédité.
La journaliste
- Mais vous avez contribué à le discréditer
M.D.
- Oui, intentionnellement, car je veux m’en débarrasser. De la même manière, les gens se sont débarrassés de la religion.
Les gens ont accepté Duchamp à sa propre valeur.
Il ne s’est pas débarrassé de l’art, il s’est débarrassé de la créativité. Toutefois, les œuvres de Duchamp influencent toujours le monde artistique.
L’artiste Michael Craig-Martin a enseigné à plusieurs jeunes artistes britanniques dont les œuvres dominent le monde des arts d’aujourd’hui. Il suit les traces de Duchamp avec son œuvre : « Un chêne ».
Il s’agit d’un verre d’eau sur une étagère accompagné d’un texte expliquant pourquoi c’est un chêne.
Roger Scruton
- La première fois que je suis rentré à St Pierre (la basilique ), confronté à la Piéta de Michelange, ce fut une expérience qui changea ma vie. Quelqu’un peut-il avoir la même expérience avec l’urinoir de Duchamp ou avec votre « chêne », qui est une chose similaire ?
M.C-M.
- Quand j’étais adolescent, et que j’ai connu pour la première fois l’œuvre de Duchamp, ainsi qu’une œuvre d’art « ready-made », j’ai été absolument stupéfait. Les gens ne sont pas frappés par la beauté de l’objet, ce n’est pas fait pour être beau, mais cela ne veut pas dire qu’il est dépourvu d’éléments qui captivent l’imagination.
Captiver l’imagination est le but d’une œuvre d’art.
Photo,
Esquisse de Pierre-Paul Prudhon,
Vénus au bain
à suivre....