Le Vaste Amour
J’aimerais écrire sur les lignes de ta main
l’amour vaste et fondateur
sur les clavicules tes L
voyelles
sur le dos tes sensuelles
syllabes
que je bégaie en te couvrant de mots
J’aimerais te dire et tu t’enfuis
ou tout comme
Je parle au silence
chaos de chanvre qui me cueille
Moi-même je tais ce frémissement que je suis
Mon amour est un fleuve et un fleuve
admirable et triste
qui se jette dans la mer
qui dilate tant d’eau
qu’elle noie l’océan
qui emplit et s’emplit
évapore le vaste amour en pluie
pluie à l’envers là-haut dans les laits de la voie
J’aimerais que tu devines sans que je dise mot
ces mots en moi ce moi à quel point si secret
Ils se créent ils tressaillent brûlent
de mon feu noyé -d’eau
saignent alors l’incendie la complainte et la plaie
Loin si près des yeux un être et tout être
enduisent leurs corps de transparence
je tends les bras à travers cette laitance
J’aime à jamais j’aime irrationnelle
ce rien de plénitude qui s’efface
cette fragile phrase trace
écrite sur ta peau diaphane
Et j’aime que tu soies saisie :
je t’aime à l’état de cri sans qu’aucune morale
ne vienne fendre le verre qui me tient lieu de peau
Ainsi je t’accueille en mes échappées :
l’échine courbée du poète
qui écrit ses débordements
l’accroc de ses loques
la corolle et le décolleté
les cheveux impudiques de l’étonnement
sans aucun mot qui ne
se jette dans le fleuve et le fleuve ne
se jette dans la mer qui
n’abreuve l’océan
ne mouille pas les dieux Ô
ces dieux de larme et de béance approuvent ce voyage
Je t’écris l’A d’Aimer
asservie au récit de ton corps
fluide sous ta résistance
l’Amour vAste Amour pArAbole
frêle contenant où niche l’infini
lutte cambrée de la folie
par coeur sont les voyelles de l’oubli
et mon exil se cache dans ton vertige
Trois Arches, gouache, Martine Cros