Je sais que le soleil tourne autour de la forêt
que la parole est nue
Je sais que la mort
brûle
Ni croix ni étoile sur le front des abeilles
Je sais les pieds déchaussés rythmant le sol
tendu en peau de scalp
et le totem des loups
et le feu des ancêtres dans le camp
immobile
Je sens la force
primitive des parfums boisés
Je sais qu'avant le rituel quand
le souffle s'éteint
les fumées se relèvent
pour se laver les mains
Qu'il faut un pas de danse en cercle
autour
de l'arbre Je connais
les us de la lumière
Je sais que Dieu n'existe pas La cérémonie
des vivants sous
la terre Le bras
enterré de l'hommage
passe à travers la croûte de
boue pour attraper
quoi? Des cerises juteuses
comme des nuages au-dessus
du linceul de ciel
Je sais la coutume
des morts Je sais que
Dieu existe
Sous les paupières Dans le poing du charnier
les pierres de Lissinitchi sacrent
la lune sauvage
à la frontière de la chair Laissez
les corps du chagrin
et de la grandeur
là où les cailloux
tendent leurs lèvres
sous l'eau de pluie Le rythme
des gouttes vient
peu à peu J'attends
Que le vent couronne
le brasier au-dessous des branchages
Là où tournesols dans
leurs fleurs Là
où légendes et marchands
de Lublin
là où vieille langue dans
son chemin de ronde
Dieu a dû choisir entre
la bonté et la puissance
Je crois
que le soleil tourne autour
de la forêt
Là-bas le soleil roule sur
un chariot sans bouquet
où s'entassent les peaux
en parchemins
Les roues de la carriole tracent leurs
encres sur la neige
Deux lignes aussi droites que
les flèches du chamane
Je sais le rituel de la parole
le rituel de l'étoile
le rituel de l'écorce
trois tours de ciel
à Lissinitchi
Sylvie-E. Saliceti,
" Je compte
les écorces
de mes mots",
éditions Rougerie, mars 2013,
extrait : pages 43/45
Le site de l'auteur, avec un autre extrait de "Je compte les écorces de mes mots"
Tableau, Edvard Munch, "Cendres", 1894