La nuit ouvre ses yeux en nous.
Rien ne retient plus le regard.
On fait corps avec le coeur.
L'onde est porteuse.
Juste à l'angle du temps.
La survie peut être célébrée.
On puise, mais avec une telle précision.
Si nue l'évidence qu'elle troue les pourquoi.
Au fond du charnier, une étoile ivre.
Des empreintes imprimées par le coeur.
Quelques arcs-en-ciel terrassés.
On laisse le bleu creuser son ombre.
Une seule goutte de feu suffit.
Ébloui, obstinément.
Zéno Bianu, in « Infiniment proche », in Infiniment proche et Le désespoir n'existe pas, préface d'Alain Borer, Poésie/Gallimard, réédition de février 2019, pages 62-63.
Une étoile ralentit, dénudée jusqu'au jour.
Appel capté tout au fond, le feu ne laisse pas de trêve.
Mieux vaut une vie sans parole qu'une parole sans vie.
Il faudra bien ouvrir la permanence du souffle.
Zéno Bianu, in « Infiniment proche », in Infiniment proche et Le désespoir n'existe pas, préface d'Alain Borer, Poésie/Gallimard, réédition de février 2019, page 45.
Vigilance fluide. Le monde est ici saisi au vif, comme sanctifié jusque dans ses [...] ultimes détours. Qui ne sont ni choses ni substances, mais événements - mieux, avènements. Si l'infini advient, c'est dans le fini, dévoilé par l'aigu [...]. Chacun des gestes du quotidien est alors révélé-révélant.
PSAUME
1
j'ai nagé
dans le cœur du cœur noir
mordant à ton absence
2
je suis allé au tout profond
là où se récitent les nerfs
là où dansent les cendres
3
ma nuit a pleuré tout l'espace
dans le cœur du cœur noir
dans la bouche d'une étoile
4
le souffle en flammes
jusqu'à éteindre l'esprit
c'est la prière de mon désarroi
5
tant de mots pour trembler juste
dans le cœur du cœur noir
que je porte à mes lèvres
6
je te dis toute ma fatigue
tout ce qui m'a brûlé
en orties de grâce
7
je te dis les mots blessés
dans le cœur du cœur noir
pour étreindre l'invisible
8
pour aspirer
le lait de la lumière
pour boire le dernier sommeil
9
pas à pas
dans le cœur du cœur noir
là où le feu devient bleu
10
le ciel dans les mains nues
la voix défaite
je me lave à ton sourire
11
une plainte sans mot
dans le cœur du cœur noir
c'est le sel de ta nuit
12
je te donne les étoiles
qui dorment dans ma bouche
la sève de mon effondrement
13
je n'ai pas oublié l'ébloui
dans le cœur du cœur noir
je n'ai pas oublié ta fièvre
14
je te donne ma pénombre
comme une chair tendue
je t'offre mon sang de nuit
15
j'écoute ta solitude
dans le cœur du cœur noir
je l'écoute assoiffé
16
je réponds à ton aurore
j'ouvre ma blessure
dans la chambre des cieux
17
où je déborde
dans le cœur du cœur noir
tes os disent la nuit rouge
18
c'est l'œil de ta nuit
qui me tresse
et me sauve
19
c'est l'œil de ta pluie
dans le cœur du cœur noir
vers la saveur sans fin
20
ce qui frappe à mes tempes
et me palpite
c'est la voix de ta nuit
21
dis-moi le récit du ciel
dans le cœur du cœur noir
dis-moi les lèvres des larmes
22
dis-moi la rosée et le royaume
accepte ma cendre
d'infini en infini
23
je te rejoindrai
dans le cœur du cœur noir
où saigne la lumière
24
puissions-nous connaître
le versant blanc du vide
pour perdre le nord à jamais
25
j'accueille ta vision
dans le cœur du cœur noir
l'écho de ta blessure
26
tout est à vif
dans la bouche des nuées
tout est offrande
27
j'appartiens à ton souffle
dans le cœur du cœur noir
à la source sans retour
28
la rage du ciel
enfin dépossédé
j'invoque ta brûlure
29
ton verbe renversé
dans le cœur du cœur noir
j'en fais mon visage
30
ta voix promise
j'en dis l'horizon
et la faille si douce
31
plus bas sans appui
dans le cœur du cœur noir
je m'écorche à ton étoile
32
la nuit tremble
et je la recueille
pour t'engloutir enfin
33
l'infini se lève
dans le cœur du cœur noir
avec le ciel ravivé
34
avec le cœur à l'écoute
dans la saison du souffle
aux confins de l'intime
35
le lait de l'éveil
dans le cœur du cœur noir
je l'offre à ta nuit
36
je te dis le très vif
le terme des étoiles
tout ce que le ciel voit
37
je te dis la source même
dans le cœur du cœur noir
où tout n'est que visage
38
pour un diadème de cendres
pour ce bleu de tombe
respirant dans ton regard
39
je te dis l'abîme et la vie
dans le cœur du cœur noir
je te dis l'unique égarement
40
sans fin sans mesure
dans le deuil de ton passage
où la lumière nous cherche
41
jusqu'à la toute adoration
dans le cœur du cœur noir
parcourus du même souffle
Zéno Bianu, in « Infiniment proche », in Infiniment proche et Le désespoir n'existe pas, préface d'Alain Borer, Poésie/Gallimard, réédition de février 2019, pages 81-87.
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Dans une époque vouée à la déréliction et à un renoncement hypnotique, la poésie de Zéno Bianu s'impose comme une ardente rupture, une submersion féérique. Il est le seul qui ose donner ...
https://www.franceculture.fr/emissions/les-racines-du-ciel/habiter-poetiquement-le-monde
Source de la peinture I
Source de la peinture II