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aller aux essentiels

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L'atelier Poésie de Martine Cros


Notes de soir : Audaces et soumissions - Léon Chestov

Publié par http:/allerauxessentiels.com/ sur 27 Décembre 2018, 23:30pm

Catégories : #Carnet de notes, #Léon Chestov, #Philosophie

© Margaret Lansink

© Margaret Lansink

Il me semble que le monde dort.

Shakespeare, "Le Roi Lear", acte I, scène 4.

 

 

 

VII

 

 

LES MASQUES DE L'ÊTRE. -- Les changements qui se produisent dans l'univers s'accomplissent de façon continue, progressivement, imperceptiblement ; ce fait est la cause objective de notre ignorance, de notre attitude superficielle, dont la cause subjective est l'aptitude de l'homme à s'habituer à tout. Or sous la continuité morte se dissimulent la discontinuité et la libre "soudaineté" de l'activité créatrice. Mais l'habitude tue l'esprit de recherche. Un Esquimau brusquement transporté à Paris se croit dans un monde féerique ; bientôt cependant il s'y habituerait et dirait, à l'exemple des Européens : les contes de fées ne sont que des imaginations, de pures inventions.

 

 

P. 245

 

 

 

 

XVIII

 

 

QUASI UNA FANTASIA. -- Je ne sais ce qui m'étonne davantage : l'aveuglement volontaire de l'homme ou sa timidité naturelle ? Il se peut d'ailleurs que l'un dépende de l'autre. L'homme ne veut pas voir, parce qu'il a peur. De quoi a-t-il peur ? Lui-même souvent l'ignore au juste. Ce qui lui paraît le plus terrible, c'est de violer la "loi". Tout le monde est persuadé qu'il existe certaines lois éternelles et que sans les lois ou hors les lois, c'est la mort. Notre vision spirituelle se crée un horizon aussi limité que celui de notre vision physique.

L'homme est la mesure des choses ! Cette maxime de Protagoras nous fait encore peur aujourd'hui. Et que d'efforts a accompli la pensée humaine pour tuer Protagoras et sa doctrine ! [...] 

 

 

P. 277

 

 

© Margaret Lansink

© Margaret Lansink

 

 

XLVIII

 

 

LE CHEMIN DE LA VERITE. -- "Je suis comme l'eau qui s'écoule et tous mes os sont disjoints ; mon coeur est comme de la cire, il se fond dans mes entrailles" (Psaumes, 22, 15). Pour apercevoir la vérité, il ne suffit pas d'avoir de bons yeux, d'être attentif, sur le qui-vive, etc. il faut encore être capable du plus extrême renoncement, mais non dans le sens où l'on prend ce mot d'ordinaire. Il ne suffit pas que l'homme consente à vivre dans le froid, la faim, la saleté, qu'il accepte de brûler dans le taureau de Phalaris. Il faut encore suivre l'exemple de l'auteur des psaumes : fondre intérieurement et briser, détruire le squelette de son âme, ce que l'on considère comme la base de notre être, tout ce qui est stable en nous, déterminé une fois pour toutes et en quoi nous voyons les veritates aeternae. Il faut se sentir coulant, liquéfié, il faut se rendre compte que les formes ne sont pas fixées à l'avance en vertu d'une loi éternelle, mais que l'on doit à chaque instant les créer soi-même. [...]

 

 

Pages 366-367 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces quelques lignes d'un soir, extraites de Léon Chestov, "Audaces et soumissions",

in Sur la balance de Job, Pérégrinations à travers les âmes,

traduction du russe par Boris de Schloezer, éditions Le bruit du temps, 2016.

© Margaret Lansink

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