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aller aux essentiels

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L'atelier Poésie de Martine Cros


Notes dans les fragments du jour - De Shih-T'Ao à Hugo von Hofmannsthal

Publié par http:/allerauxessentiels.com/ sur 15 Septembre 2018, 11:21am

Catégories : #Carnet de notes, #Shih-T'Ao, #Possession Immédiate, #Hugo von Hofmannsthal

Shitao, Autoportrait

Shitao, Autoportrait

 

 

 

Givre et neige ont beau refroidir ces rameaux ; ils laisser éclater

leurs désirs cachés. Troncs noueux branches dressées polis par les ans.

Coeur de vacuité rejoignant l'âge immémorial. Ensorcelé, l'homme

confond fer rouillé et chair ardente. Ebloui par mille gemmes jadis

tombées du ciel. Comment donc réprimer les cris qui jaillissent :

Homme et Fleur participent de la même Folie !

 

 

 

Shih -T'Ao,

Odes aux fleurs de prunus

in 

Possession Immédiate n°8, "deux mille dix-huit",

Revue littéraire et photographique, hivers 2017. 

 

 

 

Mais l’univers a-t-il jamais vieilli ?
Verte est la montagne par-delà le ciel.
Shitao 


Verts, aussi, les deux pins qui s’enlacent au sommet : vieux et rugueux de partout, mais prêts à danser, jurerait-on, tout arbres qu’ils sont. Que les deux amis, conversant sagement à leurs pieds, en prennent de la graine. 
L’art aussi est invité à en prendre de la graine. La main est nouée, mais le pinceau est vert. On songe au Renoir de la fin, dans son jardin, doigts paralysés par l’arthrose, qui se fait attacher la brosse au poignet pour ne pas laisser son vieux coeur sans emploi, et qui peste comme un charretier... parce que le monde est trop beau.

Shitao, François Cheng, Phébus.

Shitao,  27 x 16,3 cm, Musée de Shenyang -- Moukden --

Shitao, 27 x 16,3 cm, Musée de Shenyang -- Moukden --

Notes dans les fragments du jour - De Shih-T'Ao à Hugo von Hofmannsthal

 

 

 

 

Ce qui importe ce n'est pas de faire des expériences neuves, mais de s'éveiller en soi-même et d'apprendre à partir de ce qu'on a. Les milliers de concepts abstraits qui débouchent les uns dans les autres, s'interpénètrent, sont comme les alluvions que le grand fleuve dépose sur ses deux rives. Lorsque l'on nage au milieu en pleine eau vive, cela ne nous concerne nullement et il ne faut pas même s'en soucier, certes il est troublant de voir tant et tant de personnes ronger sans cesse autour de ces concepts comme des chiens sur un vieil os et on n'ose pas tenir toute cette agitation pour nulle. Pourtant il le faut. La plupart des gens ne vivent pas dans la vie, mais dans un simulacre, dans une sorte d'algèbre où rien n'existe et où tout seulement signifie. Je voudrais éprouver fortement l'être de toute chose et, plongé dans l'être, la profonde signification réelle. L'être-escarpé des montagnes, l'être-immense de la mer, l'être-obscur de la nuit, la manière qu'ont les chevaux de regarder fixement, la constitution de nos mains, le parfum des œillets, la succession des houles et des creux dans le sol, ou des dunes, ou des falaises sévères, la manière dont un pays entier se livre au vu d'une montagne, et ce qu'on ressent en pénétrant par une journée torride par un frais vestibule aux dalles mouillées, ou lorsqu'on mange une glace : dans toutes les innombrables choses de l'existence, en chacune isolément et de façon singulière, quelque chose s'exprime, que les mots jamais ne peuvent rendre, mais qui parle à notre âme.

 

 

 

 

 

Hugo von Hofmannsthal,

Lettre à Edgar Karg von Bebenburg du 18 juin 1895

 

in 

Possession Immédiate n°8, "deux mille dix-huit",

Revue littéraire et photographique, hivers 2017. 

 

 

 

 

 

 

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