Haïkus
pour une pianiste
sans piano
Une femme simple
Chante des plis de mémoire –
Froissements d'hiver
La journée ressasse
Une pièce sans piano
Au soir il prend place
Le nocturne vingt
Sous les rameaux de dix doigts
Chante des yeux doux
La note posthume
Traverse tous les remous
Traverse la nuit
Verveine rosée
Et blanche de l'aube osée
Brahms réapparaît
Il grêle des voies
Lactées en soies musicales
En silence d'or
La pointe d'un soir –
Des notes viennent s'asseoir
Sur l'épée qui fond
Retiennent le souffle,
Sur le clavier de chaque aube,
Ces deux mains qui prient
L'averse est bénite
Sans nuage dans le bleu –
Notes aphrodites
La lande de Bach –
À perte de vue s'envole
Une fleur au sol
Parfois tout le monde
Dort – seule la profondeur
D'une camisole
Des doigts ménestrellent
Sur la table des pensées
Où veille un soleil
Trois haïkus
de pauvreté
Pauvre est le jour seul
Riche, la nuit de l'amour –
La lune n'est pas en deuil
D'or sous le tilleul
Ton visage m'apparaît –
Sous la lune se recueille
Au soir l'air est frais
Les hivers sont un cercueil –
L'amour, un manteau épais
/MC\, Feuillets – Haïkus de janvier 2018
(Imparfaits, en naissance ; en passer par eux a relancé quelque peu l'écriture, donc merci infini à Roland Barthes!
Lisant de lui un texte assez long – pour les courageux qui voudraient se lancer dans cette découverte,
c'est par ici : une séance sur le haïku, dans ses cours au Collège de France,
regroupés dans un livre intitulé La préparation du roman, paru aux Éditions du Seuil –.)