Marguerite Yourcenar
Les Charités
d'Alcippe
nrf
GALLIMARD
1984
"Alcippe offre son cœur aux Sirènes, son âme aux statues de marbre, son corps aux morts et, déjouant ainsi la Mort, existe à tout jamais dans ce qu'il a donné. Tel est le thème du poème qui donne le titre à ce recueil. En tout cinquante-cinq pièces, écrites entre 1929 et 1963. Ces poèmes empruntent des formes régulières : alexandrins, hexasyllabes, octosyllabes, rimes plates, rimes croisées, sonnets... On y reconnaît l'inspiration de l'écrivain amoureuse de l'antiquité grecque, de l'Italie de la Renaissance mais qui se veut aussi à l'écoute de son temps."
Quatrième de couverture du recueil Les Charités d'Alcippe
LES CHARITÉS D'ALCIPPE
- Quatre extraits -
[…]
J'ai vu son tiède sang rosir la mer immense,
Comme un soleil blessé qui s'immerge en vainqueur ;
Laissant derrière lui le vide et la démence,
Je l'ai vu s'engloutir dans la nuit qui commence,
Et j'ai cessé de voir ce qu'on nommait mon coeur.
[…]
Les dieux grecs lamentaient leur beauté toujours vaine,
Lassés de tout l'encens d'eux seuls inaperçu,
La tiédeur des beaux soirs n'emplissant pas leur veine,
Et, sous leurs pâles fronts ceints d'ache et de verveine,
La douleur d'exister sans l'avoir jamais su.
[…]
Ils réclamaient de moi l'amalgame d'atomes
Qui nous sert de support aux fureurs du désir,
Le cheval galopant dans les charnels royaumes,
Que montent tour à tour des cavaliers fantômes
Et qui mâche en bavant le sel chaud du plaisir.
[…]
Tout ce que j'ai cru mien se dissout et chancelle :
Dénouant sans mourir les noeuds intérieurs,
Comme un chant échappé d'un grand violoncelle,
Qui dans l'air amorti se déroule et ruisselle,
Je ne me trouve plus qu'en me cherchant ailleurs.
[...]
1929
PP. 8-9-11-12
Note : l'intégralité de ce poème d'ouverture est donnée à lire sur le lien ci-dessous - site de Gallimard -
FERME PROPOS
Ni s'abriter du jour sous l'arbre des ténèbres,
Ni mordre dans les fruits le doux corps de l'été,
Ni baiser longuement sur leurs lèvres funèbres
Les morts évanouis et las d'avoir été.
Ni pénétrer, transis, au coeur froid des algèbres,
Ni clouer sur le vide un masque illimité,
Ni sous l'oubli massif coucher des os célèbres
Et verser son néant dans un cercueil vanté.
Ni caresser, Amour, ta gorge consentante,
Ni brûler son désir au feu noir de l'attente,
Ni tendre à la douleur un garrot résigné.
Ni lever vers le ciel des mains inexaucées,
Mais porter avec soi dans la nuit sans pensées
L'immense creux d'un coeur où la vie a saigné.
1930 (1932)
P. 24
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Les Charités d'Alcippe - Hors série Littérature - GALLIMARD - Site Gallimard
Alcippe offre son cœur aux Sirènes, son âme aux statues de marbre, son corps aux morts et, déjouant ainsi la Mort, existe à tout jamais dans ce qu'il a donné. Tel est le thème du poème qui ...
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