CHRISTOPHE LAMIOT ENOS
VIGES
Collection Poésie,
éditions Flammarion, Paris, 2016.
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-- Extraits --
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Première partie.
page 31
[…)
DE RETOUR RUE GONDINET JE CARESSE MP
page 32
LE MARDI 1er MARS 2011, SOIR, RUE GONDINET, TON VISAGE
COMME SI TU VENAIS DE FORÊTS QUE TU VEUILLES GARDER.
Toi allongée, du visage
quand je lisse tes cheveux
en arrière, sous la lampe
que la forme de ton front
se souligne par des ombres
voici : me reviennent tant
soudain, par tes yeux, tes lèvres
par toute ton expression
grave, voire butée, qu'une
énergie anime, dont
tu me parles, de ces branches
emmêlées, par entrelacs
où se trouver, où, le soir
avoir ce goût des forêts
de la peau, sur tout le corps.
Oui, nous leur appartenons
qui répètent l'antérieur
des jeux, des fêtes. Les creux
les reliefs, leur long, rappellent
nos forêts : y avançons
les gardant aussi, gardiennes
ensemble, du « jour et nuit »
des émotions qui surviennent
des gestes sans voix, des bruits
de ces forêts, miennes, tiennes.
pages 57-58
LE MARDI 11 NOVEMBRE 2008, RÊVE D'UN GRAND
BÂTIMENT DE CRAIE, BLANC EN TOUS CAS, DONT UNE FAÇADE
DÉCORÉE ET UNE TOUR OU FLÈCHE, VISITE À DEUX AVEC MP AU
BOUT D'UN CHAMP COMME DERRIÈRE LA MAISON DE MAMIE TI,
MA GRAND-MÈRE MATERNELLE.
LE VENDREDI 31 OCTOBRE 2008, COURSES DE FRUITS ET POISSONS.
LE MARDI 11 NOVEMBRE 2008, MATIN, RÊVE D'UN GRAND
BÂTIMENT DE CRAIE, BLANC EN TOUS CAS, DONT UNE FAÇADE
DÉCORÉE ET UNE TOUR OU FLÈCHE, VISITE À DEUX AVEC MP AU
BOUT D'UN CHAMP COMME DERRIÈRE LA MAISON DE MAMIE TI,
MA GRAND-MÈRE MATERNELLE.
Oui, il me semble, au simple coup d'oeil
être déjà allé en ce lieu
devant moi--
Des gouttes d'eau, de froideur en suspension
dans l'air, ravivent le visage et les mains
face au chantier où, rien, qui se voie, ne bouge
malgré, bien diffuse, cette activité
imaginée en bas, dans le fond, qui engloutit les matériaux--
Il me semble, la motte, le bois
poussant sur, foncée, la terre en tas
reconnaître--
Nous allons à travers champs
commencement de l'après-midi
pour quel autre rêve parcourir?
Oui, il me semble, un moment, rejoindre
quelque chose qui remue, d'ici
énergie--
Hier, en rentrant, tu me montrais, en haut
surplomblant cette fosse, au loin, la lumière
sur les plantes vertes poussant tout autour
d'une terrasse, éclairée, la nuit, au loin
tes paroles indiquant combien il ferait bon y pénétrer.
Il me semble, plutôt tendrement
à la faveur de la promenade
comme un socle--
Des étendues, revenant
l'herbe des bois, de ce côté-ci
mince, grandie avant de roussir
regarder ce bâtiment
gage de solidité, ainsi
que flèche s'élançant, avenir
à son tour, après de nombreuses années
pour découvrir de nuit, au-dessus, les toits
à ce moment d'avant la reconstruction
laissant, fragiles, comme à l'air, les espaces
revivifiés, désormais, du bâtiment précédent (un garage)
trouvé non loin—Cependant
personne d'autre que nous, ici
l'après-midi, le soir, le sortir
Le long des jambes, le blanc
maintenant d'un mur de craie nous dit
qu'il nous attend, à nous de venir.
Oui, il me semble ville de Viges
toujours redécouvrir, nuitamment
pas à pas.
*
Deuxième partie.
page 103
Le dimanche 24 février 2013, dans la nuit, rêve.
À cette porte ta bouche
le passé me rappelant
mi-chemin entre sentiment et perception : des Images
Cette nuit, là-bas, je couche
où, espaces me parlant
cette porte, je dépasse vers au moins un pré ou herbage.
Tes paroles vont, qui touchent
à rêves, à revenants
avec qualité, teneur de ce qui allège les pages.
Y retrouver comme souches
des haies, des pentes, vraiment
je peux considérer à nouveau, à la porte, passages.
Abouche, tant, à ta bouche
de ce qui suit mon dedans
que voici, à ce pré, feuilles, rêves, formes—Mon bagage.
*
Troisième partie.
pages 151-153
LES ARBRES ÉTÊTÉS, QUATRE.
Le long du chemin de fer
à cet endroit vers Honfleur
s'entend la circulation automobile, formant bruit
qui monte, dans l'atmosphère
non loin des étangs. Ailleurs :
(…) allée de jaune terre, bordée de jeunes arbres—Puis,
rapidement : au deux tiers
mutilé, celui-ci meurt.
Cet autre (aussi décapité), reprend. Sur celui qui suit
comme à son voisin, l'affaire
de décollement écoeure
(petitesses la destruction et l'apparemment gratuit).
Quatre arbres étêtés. L'air
autour, a cette couleur
de l'arraché de l'écorce grise, dont l'intérieur luit.
*
Quatrième partie.
pages 258-259
[…]
Qui s'oublie. Qui prête à remémoration.
Quelque chose, plus exactement une configuration particulière, issue d'un regroupement de vécus spécifiques, toujours présents, bien qu'en provenance du passé, oubliés de la conscience, mais emmagasinés par le corps, les corps, les êtres que nous croisons, les paysages traversés, les villes, les textes écrits à notre insu, de notre vivant, par d'autres ou par nous-mêmes, lus ou non, connus ou inconnus, une série d'invisibilités pour ainsi dire (seulement partielles, pour la plupart; complètes quant à de certaines), sinon invisibilités du moins souvenirs lointains, voire perdus, devenus étrangers à force d'éloignement, voici ce qui se découvre et, en fait, retrouve dans la relation amoureuse sexuée ou à dimension sexuelle. Surprise ! Étonnement ! Émerveillements ! Richesses d'un monde—Ce monde, Bien, celui-ci dans lequel nous vivons (nous n'en avons pas besoin d'un autre).
Indépassables émerveillements ! Ces vécus, porteurs de la marque de l'oubli, de la disparition, du manque, de l'anéantissement peut-être, se manifestent par les Images qu'ils suscitent (ce qui s'exprime aussi par « leurs relations »).
Ils brillent.
Leurs éclats retiennent. Une étoile veille.
Des étoiles. La proximité de « toile » et « étoile » ne joue pas un rôle de peu d'importance, ici. Veuille telle étoile Te suivre, Lecteur/Lectrice ! Veuille telle étoile Te veiller ! Nous veiller ! Que telle étoile anime tresse de tresses!
Moi aussi, j'ai connu des chevaux (merci, Walter Farley).
Beaucoup par l'intermédiaire de lectures.
Oui, Jon Stallworthy parle de constellations de mots sur la page, chacun comme un astre, éteint peut-être, mais dont la lumière nous parvient encore, parfois.
Eros—Nous portons le dieu en nous (engendré du chaos primitif, il représente la force attractive qui assure la cohésion de l'univers et la reproduction des espèces ; nous l'oublions). Il a les mains qui nous veulent, minutieusement. Chacun de ses cheveux compte : avec chacun, un nouveau visage ; rayon. Son attention, il la donne à celui ou celle qui s'offre. La rencontre ne se produit qu'à mesure de ces découvertes à faire, fondations pour la conscience, éclats qui s'avancent pour se retirer aussitôt, après avoir toutefois laissé la marque de l'oubli, de l'importance de l'oubli, dans notre quotidien. Eros : motif de l'espoir toujours recommencé ; appel à notre passementerie ; que tissent nos mains, nos bras, nos doigts, nos regards, à partir de trois fois rien (soit : mon corps, ton corps, nos deux corps). Nouer, renouer avec toujours plus de sûreté et de force, vécu et vocabulaire, ressenti et exprimé, de façon à ce que, oui, telle tâche en suscite la vocation d'autres, qui l'oublient peut-être ici, pour mieux la reprendre là, avec plus d'ardeur, plus de vigilance, un surcroît d'âpreté et de défi—Beauté.
[…]
*
[…]
dans la nuit
ont ce goût
les paroles
[…]
page 284
(7ème NOCTURNE—CHOPIN)
Où, dans le doux, la confiance
parlons, depuis l'avant qui détermine conversations
la confiance.
Regardons-nous en un même
« vois-tu » […]
page 301
Christophe Lamiot Enos September 6, 2016
https://poetslive.org/2016/08/04/christopher-lamiot-september-6-2016/
Source de la photographie
Christophe Lamiot Enos : Viges
http://cahiercritiquedepoesie.fr/ccp-32-4/christophe-lamiot-enos-viges
Une courte note d'Y. Boudier sur le recueil
D'autres extraits ici, et une note de M. Gosztola