Tu es en moi comme un enfant qui joue seul, à l'écart, dont on croit qu'il ne fait rien quand sa rêverie démêle des milliers de fils d'or, de cheveux d'ange.
Tu es contagieux comme le feu des coquelicots traçant un chemin de contrebandier dans le sommeil doré des blés.
Ressuscité par ton souffle, mon coeur connaît une fièvre à rendre jaloux les feuillages des arbres, comme si le temps n'était qu'une brûlure de l'âme.
Tu traverses ma vie comme un feu de forêt.
En me parlant, tu enfonces un couteau de soleil dans mon coeur, tu le fais éclater comme un bouquet de roses.
Ton coeur brûle à l'intérieur de ton silence, comme une bougie à l'intérieur d'une lanterne.
La pluie et la lumière se battent comme des enfants dans le ciel, et leurs épées parfois heurtent ma fenêtre.
Ils veulent bien de ton ciel, mais pas de tes éclairs. Moi je ne suis pas comme eux; j'adore tes menaces.
J'ai un travail ruisselant à faire avec toi.
Parfois je renâcle et mes pieds traînent sur le sol. Je sens alors la pression de dizaines de mains blanches sur mon dos et, malgré moi, j'avance.
In « Le Christ aux coquelicots », pages 174-179, in
Christian Bobin
La présence pure
et autres textes
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Poésie / Gallimard
juin 2015
– 1er dépôt légal. : janvier 2008 –
L'éditeur