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Nuova poesia in forma di rosa
Fossi vissuta
quieta come una bestia,
ma avessi consegnata quella lettera
che m'era stata affidata!
B. BRECHT,
Santa Giovanna dei Macelli
Cosa fate?
Io scrivo di nuovo
una poesia in forma di rosa (3
settembre 1963), buoni dispersi d'Eridania!
Tutti emigrati, come rondini, che lasciano le piazze vuote. Quindi si pone
il problema del nostro silenzio. Da Bagutta Ferrata ha uno
strano sorriso distratto, di matto che guarda altro matto,
solo perché non esce più da alcuni anni il Magone
cantato in combutta a Bologna, PER AMORE,
PER PURO AMORE, ecc. ecc. L'Italia
va benissimo senza ni noi,
ma noi, cosa facciamo
nel mondo nero?
Nel secondo
petalo odoroso si contempla
LEONETTI... che urlando ara vos prec
da versi al Verri (mentre Verre in Lombardia...)
(Ravenna... Cesena... Grandi speranze con Einaudi, e, dal confino,
quasi piccolo Mossadeq, cova un sogno, in cui De Gaulle è Re, una cerchia
d'Esse Esse stilcritiche gli gnomi, e il Nulla noi, i suoi più cari amici ecc...
Conclude il sogno: bene. Rimette i peccati ai peccatori, bene.
Da redattore rifatto formica, riprende i rapidi per Milano,
per Roma, Einaudi, Garzanti, Romano che dice addio
alla Televisione, e apre un futuro di Collane...)
Ma la formica laboriosa ha il buco
dove se ne sta sola, e canta
come la cicala. Questa la
sua vita, ma è vita
sua, nera.
Nel terzo
petalo odoroso si contempla
ROVERSI, come un monaco di clausura
diventato pazzo, che cerca una clausura nella
clausura, per rifare di nuovo il cammino già fatto,
senza notizie biografiche, cicala nel sole della tomba,
a trasformare livore in malinconia – comunque
quella è la sua vita, e della sua vita
i suoi versi sono testimoni
che hanno senso in con-
testi di dolore
nero.
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Nouvelle poésie en forme de rose
Si j'avais vécu
tranquille comme une bête,
mais que tu m'aies donné cette lettre
qui m'était destinée!
B. BRECHT,
Sainte Jeanne des Abattoirs
Que faites-vous?
J'écris à nouveau
un poème en forme de rose (3
septembre 1963), bons dispersés d'Eridania!
Tous des émigrés, comme des hirondelles, qui laissent les places vides. Puis se pose
le problème de notre silence. Chez Bagutta, Ferrata a un
étrange sourire distrait, de fou qui regarde un autre fou,
rien que parce que ne sort plus depuis quelques années le Magone
chanté en coeur à Bologne, PAR AMOUR,
PAR PUR AMOUR, etc. L'Italie
se porte très bien sans nous,
mais nous que faisons-nous
dans le monde noir?
Dans le deuxième
pétale parfumé on contemple
LEONETTI... qui, en hurlant ara vos prec
donne des vers au Verri (pendant que Verre en Lombardie...)
(Ravenne... Cesena... Grandes espérances avec Einaudi, et, de son exil,
comme le petit Mossadegh, il caresse un rêve où De Gaulle est Roi, un cercle
de SS stylcritiques les gnomes, et le Néant nous, ses plus chers amis etc.
Il termine son rêve: parfait. Il restitue les péchés aux pécheurs, parfait.
De rédacteur devenu fourmi, il reprend les express pour Milan,
pour Rome, Einaudi, Garzanti, Romano qui dit adieu
à la télévision, et ouvre un avenir de Collections...)
Mais la fourmi laborieuse a son trou
où se nicher seule, et chante
comme la cigale. Qui mène
sa vie, mais cette
vie est noire.
Dans le troisième
pétale parfumé on contemple
ROVERSI, comme un moine cloîtré,
devenu fou, qui cherche une clôture dans
la clôture monacale, pour refaire le chemin parcouru
sans notices biographiques, cigale sous le soleil sépulcral,
transformant sa pâleur en mélancolie – en tout cas
telle est sa vie, et de cette vie-là
ses vers témoignent
qui trouvent leur sens dans des con-
textes de douleur
noire.
PIER PAOLO PASOLINI
Poésie en forme de rose
- Poesia in forma di rosa -
Traduction de l'italien, préface et annotations : René de Ceccatty, Rivages poche éditions, Petite Bibliothèque, Payot-Rivages, 2015, édition bilingue, extraits pages 304-307.
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Quatrième de couverture
Publié au sommet de la gloire de Pasolini (1964), pendant le tournage de l'Evangile selon saint Matthieu et après celui de La Ricotta, ce livre fait réapparaître un Pasolini secret (plusieurs poèmes sont des journaux tenus pendant des tournages et des repérages) découvrant un autre monde (Israël, l'Afrique), alors que ses précédents recueils étaient profondément tournés vers l'Italie.
On ne peut pas séparer le travail poétique de Pasolini de ses autres activités. Sa création s'est épanouie dans tous les domaines : roman, critique, politique, cinéma. Mais c'est dans le poème écrit qu'il concentrait sa personnalité, y faisant percevoir les blessures de sa vie intime et la puissance de sa voix révoltée. Ce recueil est traduit intégralement en français pour la première fois.
*
Poème pour un vers de Shakespeare
(…)
Nella mia pace figliale, ma non crepusco-
lare, tu dormi,
dove e come non so, verso di Shakespeare, ritornato
per istinto stagionale (?) da terre che non hanno nulla
a che fare con noi ecc.
(…)
*
(…)
Dans ma paix filiale, mais non
crépusculaire, tu dors,
où et comment, ça je n'en sais rien, vers de Shake-
speare, revenu par instinct saisonnier (?) de terres
qui n'ont rien à voir avec nous etc.
(…)
*
(…)
Stracciato lino sui resti eterni dell'estate,
o ruggine fecondità sorto le irremovibili
nevi del Trecento, laggiù la pace ha giganteschi pettini
di solchi, per il rado pelame dell'Appennino.
« Ho dimenticato la ragione – il patto
con Dio – grido nell'aria invernale,
lottando come un vecchio portato al macello –
E amo la morte dei morti, quella che laggiù
nello sconsolato Appennino,
testimonia il sopravvissuto cippo divisorio di proprietà!
Barocco! Ottagonale! Con le scritte su pergamena
di marmo arrotolato come orecchie a sventola!
L'uomo non potrà mai adattarsi alla Società! »
(…)
*
(…)
Lin déchiré sur les reliquats éternels de l'été,
ou rouille fécondité sous les immuables
neiges du XIVe siècle, là-bas la paix a de gigantesques peignes
à sillons, sur le pelage clairsemé des Apennins.
« J'ai oublié la raison, le pacte
avec Dieu – crié-je dans l'air hivernal,
luttant comme un vieux cheval conduit à l'abattoir –
Et j'aime la mort des morts, celle dont là-bas
dans les inconsolés Apennins,
témoignent les bornes séparatrices de propriété qui ont subsisté!
baroques! octogonales! avec des inscriptions sur parchemin
de marbre enroulé comme des oreilles décollées !
L'homme ne pourra jamais s'adapter à la Société ! »
(…)
Ces courts extraits, pages 213, 241.
Editions Payot & Rivages - Pier Paolo PASOLINI Poésie en forme de rose (9782743631635)
Publié au sommet de la gloire de Pasolini (1964), pendant le tournage de L'Évangile selon saint Matthieu et après celui de La Ricotta, ce livre fait réapparaître un Pasolini secret (plusieurs ...
L'éditeur
Pier Paolo Pasolini | [Ma io parlo... del mondo]
" Poésie d'un jour Source [MA IO PARLO... DEL MONDO] Ma io parlo... del mondo ― e dovrei, invece ― parlare dell'Italia, e anzi, di una Italia, di quella di cui sei, con me, destinatario dei mi...
http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2015/04/pier-paolo-pasolini-ma-io-parlo-del-mondo.html
Un autre extrait de ce recueil ici, sur Terres de Femmes
Marc Michiels - artiste, écrivain, photographe, plasticien
Marc Michiels - artiste, écrivain, photographe, plasticien
http://www.marc-michiels.com/artiste-photographe/marc-michiels-photographe-news-interview-75
Une note sur le recueil, par Marc Michiels