Dans le dernier opus papier Les Carnets d'Eucharis 2016 : portraits de poètes #1, je viens de lire ce petit passage dans le dossier Charles Racine, sur l'existence & la pérennité de l'oeuvre poétique :
" "Que ne me reste-t-il quelque mie sur la page" : cette parole me semble indiquer l'inquiétude essentielle du poète, déterminant son geste d'écriture comme ses réticences, son désir de laisser une trace effective et sa crainte d'un effacement ou de l'échec de toute tentative d'inscription.
Voici le poème dans son intégralité:
"Poésie tu donnes lieu à la rescision
Tu l'accomplis cet acte
Que ne me reste-t-il quelque mie
sur la page Poésie tu es pulpe
jusqu'à même les contours de ton corps
présence tranchante d'avoisinage
du corps médiatif
qu'elle assume d'ailleurs incorpore
Non que ne me reste-t-il quelque mie sur la page
sinon que rapatriant qui ne vient
dans mes poches
le crayon se déploie dans l'hypnose sèche
moi au bas de ses moyens
du bas de ses moyens regardant vers le stylite
Je ne suis que cette girouette
qui parfois déploie un bras
qui l'attrape à la nuque qui ne laisse rien" *"
* Charles Racine, in Légende posthume, poème daté de 1964.
Extrait, in {Quelque mie sur la page, génie de Charles Racine } , par Frédéric Marteau,
p.28-29 de ces Carnets.
Il n'est pas besoin d'aller loin pour s'évader. Ce jour, un café et ffffffffffff : au bord de la piscine! Oui, certes, le soleil est encore timide, mais quelques secondes de hardiesse ne peuvent nuire à une sportive estime de soi.
De plus, par miracle, il y a deux plongeoirs, l'un en couleurs face sud, l'autre en noir & blanc face nord, ce qui laisse la possiblité d'être deux - enfin, vers la piscine... Après, pour tenir la revue, c'est plus compliqué -
Aucun bateau sur mon transat, certes, de l'anamour peut-être, mais des images douces ou fortes, en famille, laissant échapper bras ou mollets, sans doute dans l'égarement d'un naufrage ; enfin des images "à part", et des textes de poésie et de prose contemporains qui transportent dans le bleu, dans le rêve, donc, dans la sérénité ; on dit du bleu que c'est une couleur fuyante, et en effet, l'on se quitte, dans une cohorte de ô dont je vous livre sous le chapeau quelques segments de cercle.
J ai déjà abordé la face colors
De belles faïences bleues
Une eau très matricielle
... et donc, cette jambe étrange ...
"Dans ton ventre déjà je noie. Je ne sais pas que dehors n'est pas fait que d'eau. Que le feu attise les peurs, que la terre tue les reins, que les mots usent les coeurs, que les peurs assoiffent les envies, que rien n'est vie vraiment, que rien n'est pareil à mes circonvolutions moelleuses, que rien n'est facile. Je ne sais pas qu'à la vue du monde, la pesanteur est un boulet, un oxygène putride qui va annihiler tout mon bonheur. Alors, déjà, je noie mon chagrin en ressac dans ton sac."
Christophe Sanchez, dans ton ventre, extrait p. 17
Sur l'estran de ton sommeil
la laisse des souvenirs
est une brume
qui scintille
Cristaux de sel
les songes s'agrègent
aux sédiments de la mémoire
où germe le poème
*
Lente dérive dans les courants
comme morte épave douce
engloutie aspirée
tourbillonnant éparpillée
mais sans
douleur
Et la lumière
O
La lumière
Marilyne Bertoncini, la marée de la fonte des rêves, extrait p. 21
Quelque part
Sur le chemin d'un pays
Qui s'écrit ici
La voix d'un récitant qui est restée
Dicte le poème à ceux du passage
Qu'il faut mériter
Et devant la maison qui dort
Le chien et le bâton
Attendent
Le désigné
Le promeneur.
Louis Raoul, lettres de là-bas, extrait p. 25
voici des BRINDILLES D'EXTRAITS, voilà
!
A noter avant tout: le metteur en scène de cette revue, découvreur d'écrivants & de pilotes non automatiques, Jean-Claude Goiri, vient de créer une piste d'envol Tarmac qui fait aussi maison d'édition pour poétiser les pistes - Voir lien au bas -.
Dirk Christiaens
Pluie
J'écoute les gouttes du silence
C'est bien son seul bruit
C'est bien mon seul bien
Ce silence
Telle qu'une pierre de pluie
Le parle.
Estelle Fenzy
Il faudra bientôt. Compléter les gestes à l'intérieur de lui. Rabattre les incendies prévisibles des mots. Nouer le fil entre vivre et raconter.
Bientôt ses racines demanderont audience. Le travail de Chrysalide cessera. Quelqu'un sous la soie chantera à tue-tête. Je lui offrirai le plus beau des renoncements. Je lui parlerai d'elle.
Roland Dauxois
Eloge des ombres
Souvenez-vous, tout ce qui fléchissait alors,
tout ce qui se tenait derrière la montagne,
le feu faiblissait et agonisait la flamme,
une forêt s'éveillait, crevait l'armée des brumes
comme la racine têtue se libère en repoussant le bitume.
**
Juste entre cette faille en bordure de nos cris
et cette rude frontière où la nuit se replie.
Juste entre ces deux quartiers
l'un se réclamant du jour, de la beauté,
l'autre de l'abîme, de l'immensité.
Ananda Doe
Le soir en pluie d'ombres fantasques
et d'échos de voix. Comme un miroir brisé,
Le soir en éclats solitaires
sur le carreau des rues saturées de pas.
Le soir assis à la terrasse du froid
ne dit mot. L'encre de son noir écrit
les frissons et la fièvre, et le silence.
Le soir entre chez moi comme chez lui.
Et j'ai froid.
Grégory Pichot
En quête de rien, je m'élève. L'ombre soulagée par l'encrier.
Epaules mansardées d'or...
L'infini tourment ; nous sommes récréatifs. Sans vraie solution
nous évoquons une impasse pour une autre.
Fidèlement de passage à l'impossibilité de la persistance du
domaine de la perte.
L'espace restreint épure l'essentiel.
L'orage pointe la pluie
d'une brutalité stupéfiante.
(Grégory Pichot)
Sophie Lagal
Elle
Elle ne dit rien elle tait ses joies ses douleurs elle ne pleure
plus Elle continue de prier les matins où l'oiseau qui sommeille
sur la plus haute pierre lui révèle son amour Elle croit qu'il la
protège pourtant ses ailes lui griffent le visage d'une terreur
indicible Obstinément elle fuit les ombres Il y a ce léger vent
qui souffle sous son jupon où le désir s'est éteint Elle se souvient
d'un homme et puis d'un autre et un autre Elle aimera
sûrement encore lorsque le silence ne lui volera plus son corps
Second souffle
par Georges Thiéry
Listant les incertitudes, autant d'écueils sur les retours
inopportuns des rancoeurs hivernales, le souffle semble dissimuler
son existence sous un tapis d'orgueil lourd comme une nation
en sang dont répondent quelques mots simulant le mal-être
global. Tendre vers l'invisibilité, dissimuler des silences épais
comme des brouillards, j'ajoute à mes tourments quelques
éclaircies où les larmes coulent.
Trouver le calme dans l'intimité de ce qui appartient à tous.
Fabien Pio
Marlène Tissot | L'art oublié du silence
" Poésie d'un jour Ph., G.AdC L'ART OUBLIÉ DU SILENCE T'embrasser de vive voix en laissant mon regard suspendu au vide non oublier là tu vois si la neige cessait enfin d'hésiter entre tomber et...
Un poème de Marlène Tissot, extrait de "La Piscine" n° O, sur la revue Terres de femmes
L'Ouverture du n° 10 , par Christine Jeanney, est disponible en ligne sur le site de la revue
Premier décollage à venir : à la fin de l'été !