I
Venise est mon épée de soie
plantée dans l'eau secrète
que lape une aube brume
L'eau chante berce me contient
Je suis la rescapée de ses dentelles noires
à la fois plantée là comme dague en la nuit
à la fois
je renais si me retire en elle,
Son ventre noyé.
II
Ta solitude,
finalement,
te renvoie au ciel.
Aussi droitement que l'arbre
peut-être veilles-tu,
sur les vestiges des beautés capitolines,
sur tes amours romaines où le Tibre troublé
porte au pont des Anges le parfum des baisers
vénéneux.
Infinis parapets : ils déversent nos louves
dans les lambeaux de flots-crinolines.
Peut-être désignes-tu de cette main lascive
ton coeur, pour dire encore un peu:
il bat.
Il se peut que le gris de l'orage
aime le noir secret
dans un excès
inaccessible d’absolu
que la lumière pourtant vient absoudre
coudre
au flot réfractaire du temps, là,
sous le pont amoureux.
Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé *.
Dans ses bras musicaux
assise sous les ponts,
j'attends les traits fulgurants des illuminations.
Allaite-moi aux fruits infécondés
du figuier ruminal - ton corps sauvage
- ton urne rousse où la gousse nouvelle
de l'amour
retourne à de mystiques poussières,
où je deviens des folies,
de l'écriture qui surgit -
socle d'un pied ferme
inaugural.
Par la fenêtre
le regard découle d'un
certain oubli de soi.
Le chant du nuage
alors me ramène le poème ;
sur la table l'étang du passé
semble une mer lointaine.
Ô musique de la pluie** qu’un soleil blanc défait.
MC, Les Voyages capiteux, avril 2016.
* Gérard de Nerval, Les Chimères
** Silvina Ocampo, La musique de la pluie et autres nouvelles
Tue-moi, splendide et sombre amour,
si tu vois dans mon âme s’égarer l’espérance,
si le cri de douleur en moi se lasse,
comme dans mes mains succombe cette fleur.
Dans l’abîme de mon cœur
tu trouvas un espace digne de ton attente,
en vain de ton ciel tu m’éloignas
laissant en flammes ma désolation.
Contemple la misère, la richesse
de qui connaît toute ta joie.
Contemple mon hypnotique tristesse.
Ô toi qui me fis don de l’harmonie !
Je crois sans espérance en ta promesse.
Amour contemple-moi, dans tes bras, prisonnière.
Silvina Ocampo, 1er des "Sonnets d'amour désespéré", in Poèmes d'amour désespéré, Collection Ibériques, Corti, 1997, page 25.
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