Dans les accalmies nécessaires et les calmes nécessités, de fulgurantes flammes traversent mes dégradés de gris.
Il y a Georg Trakl, dont je mettrai un extrait bientôt ici, il y a depuis quelques jours Silvina Ocampo, flamboyante de désespoir. De ces lumières qui me saisissent à la gorge et me rendent muette, recueillie, et forgent les nouveaux rêves, aussi.
J'aime à offrir ces merveilles ; la beauté est faite pour être offerte, n'est-ce pas?
Offrir, c'est le lien indéfectible dont je veux revêtir l'amitié, en toute poésie.
Ainsi je puis donner une lueur de mon âme, pour fleurir les paysages du jour. Pour rendre le sourire aux visages inaccessibles.
M.C.
III
(Le visage inaccessible)
Je me rappelle dans le silence le bruit
que faisaient les cailloux quand la voiture
emportait par les sentiers de la nuit
les gens qui nous avaient séparés.
Alors une couleur inconnue
brillait dans l'améthyste de ta broche
et le bonheur comme un reproche
troublait mon silence reconnaissant.
La culpabilité me poursuivait.
Dans mon remords solitaire
la lumière de ses gerbes allumait
comme dans les transparences d'un sanctuaire
ton visage inaccessible. Et à l'intérieur
de ma conscience ton bonheur s'éteignait !
III
(El rostro inalcanzable)
En el silencio rememoro el ruido
que hacian las piedritas cuando el coche
alejaba en las sendas de la noche
gente que nos habia desunido.
Entonces un color desconocido
brillaba en la amatista de tu broche
y la felicidad como un reproche
turbada mi silencio agradecido.
La culpabilidad me perseguia.
En mi remordimiento solitario
la luz con sus racimos encendia
como en las transparencias de un sanctuario
tu rostro inalcanzable. Y se perdia
dentro de mi conciencia tu alegria !
Silvina Ocampo
"Poèmes d'amour désespéré"
Edition bilingue
Préface et traduction de Silvia Baron Supervielle
Collection Ibériques
José Corti
Janvier 1997
(Le visage inaccessible) - pages 126-127, in Sonnets du jardin
Silvina Ocampo, un discours sur la création, par Sophie Dupouy
Quelques poèmes en espagnol, quelques photographies