Les Carnets d'Eucharis 2016, 4ème édition, viennent de se poser sur mon bureau. Belle facture et épaisseur de poésie en 248 pages + portfolio / cahier visuel & textuel de 8 pages.
Dans l'éditorial, la rédactrice Nathalie Riera annonce l'ouverture de l'opus sur un hommage à Charles Racine "dont on a célébré en 2015 les vingt ans de la disparition". Suivent ensuite des Portraits de poètes et des Parcours d'écriture qui "comptent 18 figures en poésie": avec Gaspara Stampa (A. Paoli), Sophia de Mello Breyner Andresen (M. Konorski), Ingeborg Bachmann (M. C. Masset), Milena Jesenskà (L. Margantin), D. H. Laurence (A. Dufraisse), Margherita Guidacci (A. Paoli), Hilde Domin (M. Gondicas), E. E. Cummings (J. Estager), Robert Walser (J. Laurans), Hélène Mohone (C. Chambard), Danielle Collobert (B. Machet), Alix Cléo-Roubaud (I. Baladine Howald), Margarete Steffin (B. Gyr), Virgilio Masciadri (E. M. Berg), Jean-Luc Sarré (T. Hordé), Pierre Le Pillouër (P. Dao), Lorand Gaspar (S. Péglion) et Erri de Luca (C. Zittoun).
Ces portraits et les rubriques qui s'en suivent: Traductions, Entretien, Au pas du lavoir, Clairvision, Portfolio, Et banc de feuilles descendant la rivière ( Notes, portraits & lectures critiques), nous offrent de larges extraits de poèmes et de textes, et de magnifiques photographies en noir et blanc, dont quelques unes en couleurs sur papier glacé.
La revue Les Carnets d'Eucharis paraît une fois par an en version papier, et à chaque saison sur Calaméo. Toutes informations pour se la procurer, entre autres articles et notes de lectures, (ainsi que pour découvrir, online, Les Carnets d'Eucharis N° 48 Hiver 2016) se trouvent sur le site de Nathalie Riera : Les Carnets d'Eucharis (Lien au bas).
En exergue...
{...} enfant, ta fleur des années de cour
le beau visage enté dans la nuit
te sépare d'une caresse
ingénue pour le ciel
Ta lèvre d'un âge attardé
miraculeuse ta peau
amoncellements de pétales soyeux
et foulés
douce Donnée sur les pavés jaloux
Charles Racine
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L'eau me dompte me singe La nuit-le corps s'empare d'une corde dont elle joue Et l'heure tôt
apparue Clairière de l'eau versée, du corps versé
Charles Racine,
extrait -p. 37 des Carnets d'Eucharis- de Rochepluie, in Le sujet est la clairière de son corps,
Légende Posthume, Editions Grèges, 2013, p. 189
(Photos & textes de Charles Racine : Copyright, avec l'autorisation de Gudrun Racine -& Les Ed. Grèges-)
© Margherita Guidacci - Privacy Policy ; photo non incluse dans les Carnets d'Eucharis ; source : http://www.margheritaguidacci.it/
Il n'en sort pas une goutte:
mais j'y colle mes lèvres,
j'avance mes mains comme une coupe,
je fais semblant d'être désaltérée.
Non esce goccia dalla pietra:
pure v'incollo le labbra,
protendo a coppa le mani,
voglio apparire agli altri dissetata.
Margherita Guidacci,
Extrait -p. 95 des Carnets d'Eucharis- de L'hypocrite,
in Neurosuite, Editions Arfuyen, traduit de l'italien par G. Pfister, 1989.
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A travers ces différents poèmes, Margherita Guidacci retrace l'importance de sa rencontre avec le peintre allemand {Mathias Grünewald}. Les images fortes rendent comptent du choc émotionnel et peut-être spirituel qui les fit naître en elle. Dans les deux sizains qui composent le poème d'ouverture ("Impression d'ensemble"), la poète apostrophe le peintre en jouant sur l'étymologie de son nom présumé. Grün (vert) et Wald (bois). {Angèle Paoli }
Grünewald, verte forêt, verte la forêt de la fièvre,
Où les sentiers s'enfoncent sous des arches bruissantes.
Grünewald, verde bosco, verde il bosco della febbre
dove i sentieri affondano sotto arcate fruscianti.
Margherita Guidacci,
Extrait -p. 97 des Carnets d'Eucharis- in Le retable d'Issenheim,
Editions Arfuyen, traduit de l'italien par G. Pfister, 1987,
In l'article-portrait d'Angèle Paoli sur la poète italienne.
Iris
je suis tout auprès de Iris
en robe sur robe pour les froids des nuits d'été
en robe sur robe pour les froids des nuits d'hiver
je ne m'efface, pour un soir, de l'été du lointain de Béatrice
merveilleux vents blancs qui coupent toujours dans :
le creux, dans le creux des chemins,
dans les déchirures une seule de moi de Béatrice ciel
elle emprunte cet un seul,
seul chemin d'autour des chemins,
je regardai
j'ai cru qu'ils étaient resserrés, tous un, seul, nos hauts !
(...)
Jacques Estager,
Extrait - p. 144-145 des Carnets d'Eucharis, in la rubrique : "Au pas du lavoir"-
Dépêche
Il y a plus de distance entre ici
et là-bas que ne le dit la carte.
Plus de deux mondes autrement dit.
Plus d'un seul expliqué.
Bien plus que le tien et le mien
et que le maudit monde de tout un chacun.
Il y a plus dans les yeux que cendre humide.
Sable, pierre, col d'une montagne.
Moins à portée de main.
Moins encore dans un poing.
Il y a plus dans une rivière
que boire un bol d'eau
sans philosophie.
Les lèvres d'un mulet.
Et moins qu'essuyer ta bouche
du dos de la main.
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Afstand
Er is meer afstand tussen hier
en ginds dan de kaart zegt.
Meer dan twee werelden anders gezegd.
Meer dan één wereld uiteengezet.
Meer dan de jouween en de mijne
en ieders verdomde eigen wereld.
Er is meer in ogen dan vochtig as.
Zand, steen, bergpas.
Minder binnen handbereik.
Nog minder in een vuist.
Er is meer in een rivier
dan een kom water drinken
zonder filosofie.
De lippen van een muildier.
En minder dan je mond afvegen
met de rug van je hand.
Gerry van des Linden, poète & romancière hollandaise,
(Née en 1952 à Eindhoven)
Extrait -p. 184 des Carnets d'Eucharis, in la rubrique : "Traductions"-
Le poème est extrait de Uitweg, L. J. Veen, 2001,
Traduit du néerlandais (Pays-Bas) par Daniel Cunin.
Elle lit toujours la même traduction
(...)
Pour elle le poème --
ou pour finir trois de ses mots, juste trois --
est le regard d'un premier amant sur le corps,
est l'arc tranchant du soudeur jetant des étincelles,
est un cauchemar.
Pour ces raisons, elle y revient toujours.
Elle cherche quelque chose qu'il cherche aussi en elle.
(...)
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Always she reads the same translation
(...)
For her the poem --
or in the end, three words of it, just three --
is the gaze of a first lover on the body,
is un arc-welder's cutting torch showering sparks,
is a nightmare.
For these reasons, she keeps returning.
She is looking for something it looks for also, in her.
(...)
Jane Hirshfield, poète américaine,
(née à New York en février 1953)
Extrait -p. 200 des Carnets d'Eucharis, in : "Traductions"-
Le poème est extrait de Given sugar, given Salt, Harper Collins, 2001,
Traduit de l'anglais (américain) par Delia Morris & Geneviève Liautard.
LES CARNETS D'EUCHARIS - Nathalie Riera
Bruno Fern Le petit test Éditions Sitaudis, 2014 En quatrième de couverture, Bruno Fern renvoie explicitement au Testament, invitation modeste à lire Le petit test comme un prolongement de ceux ...