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aller aux essentiels

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L'atelier Poésie de Martine Cros


L'espace littéraire - Maurice Blanchot - De Kafka

Publié par http:/allerauxessentiels.com/ sur 3 Mars 2016, 00:13am

Catégories : #Extraits - Ressentis de lectures, #Franz Kafka, #Maurice Blanchot, #De la littérature en général

Franz

Franz

 

 

 

 

 

Le salut par la littérature

 

 

"Si je ne me sauve dans un travail..." Mais pourquoi ce travail pourrait-il le sauver? Il semble que Kafka ait précisément reconnu dans ce terrible état de dissolution de lui-même, où il est perdu pour les autres et pour lui, le centre de gravité de l'exigence d'écrire. Là où il se sent détruit jusqu'au fond naît la profondeur qui substitue à la destruction la possibilité de la création la plus grande. Retournement merveilleux, espoir toujours égal au plus grand désespoir, et comme l'on comprend que, de cette expérience, il retire un mouvement de confiance qu'il ne mettra pas en question volontiers. Le travail devient alors, surtout dans ses jeunes années, comme un moyen de salut psychologique (pas encore spirituel), l'effort d'une création "qui puisse être liée mot à mot à sa vie, qu'il attire à lui pour qu'elle le retire de lui-même", ce qu'il exprime de la manière la plus naïve et la plus forte en ces termes : " J'ai aujourd'hui un grand désir de tirer tout à fait hors de moi, en écrivant, tout mon état anxieux et, ainsi qu'il vient de la profondeur, de l'introduire dans la profondeur du papier, ou de le mettre par écrit, de telle sorte que je puisse entièrement introduire en moi la chose écrite " (8 décembre 1911) Si sombre qu'il puisse devenir, cet espoir ne se démentira jamais tout à fait, et l'on trouvera toujours à toutes les époques, dans son Journal, des notes de ce genre : " La fermeté que m'apporte la moindre écriture est indubitable et merveilleuse. Le regard avec lequel hier pendant la promenade j'embrassais tout d'une seule vue !" (27 novembre 1913) Ecrire n'est pas, à ce moment-là un appel, l'attente de la grâce ou un obscur accomplissement prophétique, mais quelque chose de plus simple, de plus immédiatement pressant : l'espoir de ne pas sombrer ou plus exactement de sombrer plus vite que lui-même et ainsi de se ressaisir au dernier moment. Devoir plus pressant donc que tout autre, et qui l'entraîne à noter le 31 juillet 1914 ces mots remarquables : " Je n'ai pas le temps. C'est la mobilisation générale. K. et P. sont appelés. Maintenant je reçois le salaire de la solitude. C'est malgré tout à peine un salaire. La solitude n'apporte que des châtiments. N'importe, je suis peu touché par toute cette misère et plus résolu que jamais... J'écrirai en dépit de tout, à tout prix : c'est mon combat pour la survie."

 

 

 

 

 

 

Maurice Blanchot,

Extrait,

 

in

III, L'espace et l'exigence de l'oeuvre,

II, Kafka et l'exigence de l'oeuvre,

in

L'espace littéraire,

folio essais,

Gallimard, 1955, 2014.

 

 

 

 

 

Maurice

Maurice

 

 

 

 

 

Maurice Blanchot (1907-2003) fut romancier et critique. Sa vie fut entièrement vouée à la littérature et au silence qui lui est propre.

 

 

 

Demain, à suivre, du même livre : Le regard d'Orphée.

 

 

 

 

 

 

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