Novalis
POESIE, REEL ABSOLU
POESIS, avril 2015
Fragments traduits par Laurent Margantin
Avant-propos de Frédéric Brun
(Extraits)
La poésie est le réel véritablement absolu. C'est le noyau
de ma philosophie. Plus c'est poétique, plus c'est vrai.
Grains de pollen
Le chemin mystérieux va vers l'intérieur. C'est en nous, ou nulle part, qu'est l'éternité avec ses mondes, le passé et le futur. Le monde extérieur est le monde de l'ombre, il projette son ombre dans l'empire de la lumière. L'intérieur nous paraît naturellement si sombre, si solitaire et informe, mais comme nous le percevrons différemment lorsque l'obscurité aura disparu et que les corps d'ombre auront été repoussés. Nous jouirons plus que jamais, car notre esprit aura été longtemps privé.
Le siège de l'âme se trouve là où le monde intérieur et le monde extérieur sont en contact. Là où ils se pénètrent, il est dans chaque point de l'interpénétration.
(page 33)
Nous avons une mission : nous sommes appelés à la formation de la Terre.
(page 37)
Tout objet aimé est le centre d'un paradis.
(page 40)
Le monde humain est l'organe collectif des dieux. La poésie les rassemble, comme nous-mêmes.
(page 50)
Fragments logologiques
La poésie élève chaque individu à la totalité à travers une opération de connexion qui lui est propre -- et si la philosophie, par sa jurisprudence, prépare le monde à l'influence des idées, alors la poésie est pour ainsi dire la clé de la philosophie, son but et son sens. Car la poésie fonde la belle société -- la famille universelle -- la belle ordonnance de l'univers. Pendant que la philosophie augmente les forces de l'individu à travers le Système et l'Etat, en lui communiquant les forces de l'humanité et de l'univers, et en transformant ainsi la totalité en organe de l'individu, et l'individu en organe de la totalité, la poésie réalise la même opération au niveau de la vie. L'individu vit dans la totalité et la totalité dans l'individu. La poésie engendre la sympathie supérieure et la coactivité, la communion intime du fini et de l'infini.
Le poète achève son parcours comme il l'a commencé. Quand le philosophe ne fait que tout ordonner, que tout poser, le poète défait tous les liens.Ses mots ne sont pas des signes généraux -- ce sont des sons, des paroles magiques, qui font bouger autour d'eux de beaux groupes. Comme les vêtements des saints conservent encore des forces miraculeuses, certains mots sont sanctifiés par quelque merveilleux souvenir et devenus à eux seuls un poème. Pour le poète le langage n'est jamais trop pauvre, mais toujours trop général. Il a souvent besoin de mots qui ne cessent de revenir, de mots dépréciés par l'usage courant. Son monde est simple, comme son instrument -- mais tout aussi inépuisable en mélodies.
(pages 55-56)
Poéticismes
Le monde doit être romantisé. C'est ainsi que l'on retrouvera le sens originel. Romantiser n'est qu'une potentialisation qualitative. Lors de cette opération, le Soi inférieur est identifié à un Soi meilleur. Nous sommes nous-mêmes une telle série de puissances qualitatives. Cette opération est encore totalement inconnue. Lorsque je donne au commun un sens élevé, à l'habituel un aspect mystérieux, au connu la dignité de l'inconnu, au fini une apparence infinie, alors je le romantise. L'opération s'inverse pour le plus haut, l'inconnu, le mystique, l'infini -- à travers cette relation elle est logarythmisée -- elle reçoit une expression courante. Philosophie romantique. Lingua romana. Alternance d'élévation et d'abaissement.
(page 61)
Tout est semence.
(page 68)
Anecdotes
Le véritable poète est omniscient -- il est un monde réel en petit.
(page 77)
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"Sur les traces de Novalis" avec Frédéric Brun (1/5) / Grégoire Delacourt
Série "Sur les traces de Novalis" avec Frédéric Brun, écrivain et éditeur, auteur de Novalis et l'âme poétique du monde paru aux éditions Poesis Episode 1 La poésie est au centre de tous l...