Je tremble de vous, nocturne beauté, de vos accords capiteux
m'enveloppez en dépit de tout gravité
Je m'accroche aux quelques oiseaux qui piaffent dans mes mains lorsque s'étale le son
sans doute
les enfers battent-ils en mon coeur
tout autour la rousseur embaume le cédrat et la vanille
vos clartés s'enracinent dans ma chair humaine ancienne
et c'est soyeuse et tourmentée que je déborde enfin
de ma bouche
pendant que mes mains vous touchent
que sans cesse je veux prononcer
Sous les noires certitudes que le monde me jette au visage du soir
je referme mes paumes écrasant le chant des oiseaux
je m'accroche à votre mélodie que je déchiffre de seconde en seconde / siècle en siècle
sur un piano fait d'air et d'eau et d'ailes je dois encore saisir le feu
dans les cendres de mes doigts et au coeur de vos ventres
je dois bâtir ma terre avec les pierres de vos temples ruinés
Laissez-moi encore un peu de ce repos que l'on accorde aux fous
lorsque mes forces claires, de vos accords seront rouge Caravage
lorsque je pourrai tracer l'aveu d'une ligne aussi puissamment qu'un Dürer
lorsque
mes mains galberont le rubato sanglotant de la Danaïde lorsque
mon amour aura le visage des premières mesures de ce nocturne effrayant et beau
je pourrai vous offrir ce poème qui me hante et où mon coeur s'avide
Dans mes veines il prendra
la couleur d'une aube sur Duino d'une nuit à Majorque
ou d'un soir de lac pur
Et le nocturne pourra naître et le tremblé de vous emportera