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aller aux essentiels

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L'atelier Poésie de Martine Cros


10 juillet

Publié par http:/allerauxessentiels.com/ sur 10 Juillet 2015, 00:13am

Catégories : #Le journal imaginaire

Lauren

Lauren

 

 

 

 

Je suis Malina Ingeborg.  Isabelle est venu en moi déchiré.  Nous étions deux fractures vivantes.  Mais femmes, il n’y eut plus de guerre.  Je suis aussi une histoire d’amour impossible entre Lauren et Franz.  Rainer-Maria vous le dira,  il était avec moi lorsque j’en pressentis le dénouement. Je délirai d’ailleurs pendant des jours & des nuits tant mon intuition me serrait la gorge et le coeur. RM eut beau me faire écouter les musiques les plus apaisantes, comme le requiem de Wolfgang, que j’écoutais à l’infini lorsqu’il m’arrivait de toucher le fond, je restais emmurée dans une forme de contemplation proche de l’abattement. Je n’en sortais que pour écrire d’une traite des mots illuminés, cela survenait souvent au Domine Jesu qui me réveillait par magie et m’envoyait droit à la révélation du poème. J’en écrivais une dizaine à la suite. Mes carnets ouverts jonchaient la longue table de la salle capitulaire qui tenait lieu de salle à manger, ce qui contraignait RM à poser le repas sur un plateau, repas frugal que nous prenions sur le rocher du jardin. Cette table de fortune était posée là depuis des siècles, par je ne sais quelle main de géant, à la porte de l’abbaye où je vivais à l’époque. J’y posais dans ma torpeur une bougie parfumée, sorte d’incantation de cet instant où, sous l’effet de la faim et de la perspective d’une nourriture terrestre, mon corps se réveillait, me signalait que j’étais encore un peu vivante et que, par conséquent, il devait y avoir un espoir de retrouver la paix. L’Agnus Dei, en principe, me replongeait dans une phase d’effarement, où les lambeaux de ma mémoire, embuée par le vin rosé que RM nous versait amoureusement dans des verres de cristal ciselé, laissaient transparaître le visage de Lauren, tourné vers le mien, le saisissant soudain de ses mains blanches, puis ses yeux qui imploraient ma grâce, puis sa bouche happant la mienne dans un souffle, ou, devrais-je dire, dans un sanglot grave, puis enfin le visage de Franz. Il scrutait la scène avec une expressivité mouvante que je n’oublierai jamais. Quelque chose qui oscillait de la tétanie au tremblement, du mépris à la colère, de l’hébétement à la douleur. Mes yeux écarquillés dans le plus tyrien du rosé alertaient alors RM qui me proposait une danse, abolissait rapidement le pathos de Wolfy pour mettre une valse de Frederic. Pendant qu’elle nous enroulait avec langueur, nos mains se cherchaient, puis nos yeux, nos rires un peu ivres, et nous finissions en général sur le lit à nous aimer dans la folie pour oublier le grand malheur poisseux des histoires d’amour impossibles.

 

 

 

 

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