LES FEUILLETS
DE LA MINOTAURE
récit-poèmes
Angèle Paoli
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Editions de Corlevour
avril 2015
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Extraits
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FEUILLETS de MINO(A)
À Chloris| Écriture matricielle
Ces feuillets me poussent à explorer davantage la dimension matricielle de l’écriture. Je m’interroge, Chloris. Existe-t-il une écriture liée à l’intériorité de notre corps de femme ? Cette question m’obsède et je ne parviens à en clarifier ni les formes ni les contours. Je crois me souvenir que cette trouvaille vient de vous, Chloris. Je ne sais pourquoi je ne m’y suis pas arrêtée plus tôt, pourquoi je l’ai laissée s'échapper alors même qu’elle me paraît si profonde.
"L’écriture matricielle" n’est-elle pas celle des profondeurs qui sont les nôtres et qui résiste en chacune d’entre nous ? Celle que nous nous refusons à explorer, en dépit des affirmations qui nous font dire le contraire. "Écriture de l’intérieur de mon corps". C’est cette écriture-là qu’il nous faut solliciter, en effet. Parce qu’elle est absente de nous. Sans doute cette résistance nous vient-elle en partie de notre crainte de "nous" parler, de parler de nous en vérité et en résonance avec la part cachée et intime de nous-mêmes. Ce que nous nous confions lorsque nous parlons ensemble de nous, résiste à l’écriture. Il nous faut transgresser cette part d’interdit que nous nous ingénions à occulter. Il nous faut nous autoriser à lever cette méfiance à l’égard de la chose écrite. Méfiance qui nous vient de notre entourage, de notre éducation, de la famille et par dessus tout cela, de la société castratrice dans laquelle nous évoluons. Sous ses apparences de légèreté, cette réflexion anodine me paraît porter en elle des accents de subversion. Serait matricielle l’écriture qui irait explorer un monde de sensations personnelles, fondamentales-fondatrices, perdues, occultées en raison de toutes les formes d’emprise qui pèsent sur nous. Ainsi, de votre écriture, par exemple. Ce que j’en perçois à travers vos feuillets, c’est avant tout la négation d’une part de votre moi. Vous vous concentrez exclusivement sur votre "moi" cérébral au détriment de tout ce qui relève de l’émotionnel. C’est ce qui m’a fait dire récemment de votre écriture qu’elle était "virile". Vous avez semblé étonnée mais nous n’en avons pas reparlé et vous ne m’en avez rien dit. Peut-être vous ai-je froissée ? Je ne sais. Pourtant, aujourd’hui, vous manifestez à nouveau le désir d’explorer ce "continent noir" de votre être et de donner davantage la parole à votre écriture intime. Peut-être pourrais-je vous y aider ? Peut-être pourrions-nous, ensemble, réfléchir à cette exploration de l’intime, dans un chassé-croisé qui engagerait notre être de femmes et de femmes aimantes ? Comme j’aimerais cela, ma Chloris ! Qu’en dites-vous ?
. à perte de conscience d’elles
elle parle de son désir d’elle
lui dit la jouissance
gestes et mots dé-noués
d’un même interdit
Votre Mino(a)
Pages 45-46
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JOURNUITS de MINO(A)
De Ghjottani, marine, ce matin
Noire la plage étrillée écume blanche
Pages 68-69
Mino(a) , par M.C. , dessin numérique sur un tableau de Riposo (Ste Agathe, XVII ième, Musée Magnin, Dijon)
CHANTS de MINO(A)
(ATTENTE DE L' EAU)
Page 141
Le site "Terres de femmes", la revue de poésie et de critique d'Angèle Paoli.
Le site de l'éditeur, qui publie également la revue NUNC.