Maintenant que vous êtes nus, feu au feu, en
la cendre la cendre, tu me viens par grâce,
Sylvia. Arquée comme petite. Et tout ce que tu
parviens à saisir de moi, en moi, ou à toucher
entre les points jamais comblés du corps, et
que tu entends et qui s’écrit ou même s’essouffle,
considère-le comme la plus mince parcelle
encore, mon bruissement, la poussière.
p 11
Avec le lait, la bave, la boue de consolation –
ce qui parle –, tu me viens par Ariel, Sylvia. Ou
par, en l'espace de ma vie sans vous et à fleur
de tes mots, par ça que tu plantes, tu déverses,
tu jettes de toi en ma bouche – tes gouffres,
ton histoire de souffrance depuis petite fille
seule. Ariel comme écho à cela, comme voix
née en la mienne, d'une souffrance plus grande
que souffrance. Et je devais, Sylvia, ta langue
l'engloutir.
p 15
Par toi atteint au muscari, au museau, à
l'écorchure par où dire « Bouche, que tu pourris,
que tu pourris, mais tu me soignes ». En rêve
pourtant, Sylvia, de revenir d'écrire. Par toi
touché, saisi, par tes galops sonnants sonné,
démembré, remembré, et ce roulement
ironique de tes phrases qui m'avalent et me
refondent en un lieu où je rêve juste de ne
plus parler. Un artisan ? Oui. Un qui coupe
du bois ? Oui. Qui me coupe la langue.
p 25
Écrire dis-tu, mais à mi-mots, tout bas, pour
qu’entre nous quelque chose soit, quelque
chose reste qui, lui, ne mourra pas. Un lien.
Une mémoire. Fragile.
p 62
Extraits épars, ceuillis dans "Sylvia",
d'Antoine Wauters,
Collection Grands fonds, Cheyne éditeur, 2014