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L'atelier Poésie de Martine Cros


Psaume de silence - Raphaële George

Publié par http:/allerauxessentiels.com/ sur 1 Septembre 2014, 00:00am

Catégories : #Extraits - Ressentis de lectures, #Raphaële George

Raphaële George - Ghislaine Amon, 1975/1976

Raphaële George - Ghislaine Amon, 1975/1976

 

 

Raphaële George

 

Psaume de silence

suivi de

Journal

 

 

Les Editions Lettres Vives

Collection Terre de Poésie,

octobre 1986

 

 

 

 

PSAUME DE SILENCE

 

 

 

 

 

Nous voulions le corps du vide,

comme pour expier la faute d'être enveloppe.

Choisir en nous l'Être d'exception.

Lui donner le visage harmonieux d'un ange ;

visage que l'on sait blond avant que la couleur

ne le recouvre comme s'il était le frôlement du sable

livré au regard par la seule quantité des grains

qui le composent, et auquel le moindre vent épargne

la pesanteur.

 

 

 

 

Le silence nous amène à joindre nos gestes

dans l'accomplissement ; accomplissement du regard

qui rend à notre mémoire ce corps oublié en chacun

de nous.

 

 

Lui seul nous gardait...

 

 

 

Mais il y eut les mots après la naissance du jour ;

nous avons quitté ce temps heureux où la terre nous

gardait en son silence.


 

 

 

Et ces mots, qui nous viennent, sont cette inscription

du silence alentour que jamais nous ne pourrons

articuler.


 

 

 

 

P. 14 et 15

 

 

 

 

 

JOURNAL

(feuilles volantes)

 

 


 


 

Il m'arrive de rêver être un grand tissu, une étoffe qui recouvrirait tout, dont je serais un peu la matière, écoulement, silence retenu, matière qui, enfin, ne compte plus avec la mémoire et pourtant montre la splendeur muette de ce qui a disparu.

Quelquefois il me prend l'envie de coudre ensemble toutes les couvertures, tous les tissus, les objets mêmes, tout ce qui m'entoure enfin pour m'y ensevelir.

Imaginer cette fusion possible. Être, seulement un peu, la matière d'une étoffe qui recouvre tout.

 

 

Je suis en exil, je me sens à peine appartenir à cette terre, mon regard m'ennuie, je sais trop ce qu'il voit et il ne voit rien qu'il ne sache déjà regarder. Ainsi lorsque j'écris j'ai peur de manquer d'innocence, je me méfie de ce que je ne serai plus désormais, j'ai peur de ne plus supporter de penser aux mêmes choses. Je me sens tout informelle et lâche (...), si bien que je suis tombée malade, nostalgique comme renvoyée subitement à ma stupidité. Cette peur d'être bête.

 

 

 

Extrait, p. 51 et 52, sans date (entre avril et décembre 1984) 

 

 

 

 

 

   Il se passe souvent avec les mots quelque chose d'assez semblable à cette sensation d'être surpeuplée, comme si tous les mots s'étaient si bien accordés de cette mémoire enfouie qu'ils prendraient trop de puissance. On se dit qu'on ne peut pas y toucher, on croit toucher aux visages des morts.

 

 

   On ne devrait jamais s'arrêter d'écrire, tout ce qui est poésie surtout. On perd l'habitude, et bêtement on devient ignorant de la musique qui lui est nécessaire.

D'une certaine façon on sort de la grâce.

 

 

 

 

Extrait, p. 56 et 57

 

 

 

 

 

 

   A mon avis nous sommes ici pour aller, aller simplement. Et tant qu'à aller, cela peut se faire bien.

Soyons quelques-uns d'heureux.

 

 

 

 

 

Extrait, p. 60

 

 

 

 

 

 

NOTE préliminaire de Jean-Louis GIOVANNONI (Extrait)

 

 

 

Psaume de silence est le dernier texte que Raphaëlle George ait écrit, avant de disparaître le 30 avril 1985. Elle avait l'intention d'écrire un livre qui aurait sans doute approfondi davantage les pensées qu'elle avait creusées dans son Eloge de la fatigue. Le peu de temps qu'il lui restait à vivre ne lui permit pas de réaliser ce projet. L'urgence la poussa néanmoins à reprendre les ébauches d'un manuscrit inachevé, Suaires, dont un premier état avait paru en 1981 dans le dernier numéro thématique (L'autobiographie) des Cahiers du Double, en y ajoutant des passages extraits de ses journaux intimes de 1982 à 1985. L'ensemble fut retravaillé et consigné par elle dans un carnet, à l'exception de certains passages qui furent dictés par Raphaëlle George à son ami Jean Chazy.

(...)

 

 

 

 

Mes vifs remerciements vont à Jean-Louis Giovannoni, pour m'avoir communiqué avec amabilité ces deux photographies de la poète.

Raphaële George - Ghislaine Amon, 1980/1981

Raphaële George - Ghislaine Amon, 1980/1981

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