LES POEMES
Les poèmes ne lisant pas de poèmes
Elle ne lit pas de poèmes.
Pourquoi l'ai-je entreprise? Sans penser. Je t'aime donc je te suis, relevant comme mon col la foudre. Les cartes sont viscieuses. Et je bats la campagne. Je te suis extrêmement reconnaissant.
Déjà décoré de tes lèvres
Je gagnerai la guerre.
La campagne bat leur plein. Nous saurons enfin si nous sommes amoureux pour aimer. A la lisière de la forêt, un arbre présente déjà les feuilles et les bancs nous sont publics.
Il suffirait
qu'elle prenne du lait rouge
et me donne du vin russe.
Elle se parfume avec son nom, se coiffe avec le mien. Je lui volerai la mer comme une mouette. Les écureuils ont le complexe d'Isabelle, deux fois, beaucoup, encore et toujours. La rue où elle m'a dit bonjour rougit de ses maisons.
Elle finira bien
par ne plus rien comprendre.
Si bien que le petit jour nous prendra par notre petit nom. La nuit a de ces tours que l'on devine à peine tant le château, par son propre plaisir distrait, se perd de vue.
-- page 188 --
***
AUJOURD'HUI JE SUIS SEUL
Aujourd'hui je suis seul --- avec l'herbe, les arbres et les
oiseaux qui habitent dedans.
*
Je n'ai pas pu franchir la porte de bois. Alors j'irai franchir le
mur de ma propre pensée.
*
Un seul être vous quitte et les fleurs continuent de fleurir.
(L'Attila qui a traversé la nuit du 21 au 22 avait des bottes de
colombe.)
*
Je me suis rabattu sur le soleil.
*
(...)
La vie ne se contredit que parce que nous la disons.
*
Le soleil m'est resté dans la gorge.
page 237/239, extraits.
Christian Dotremont
Oeuvres poétiques complètes
édition établie et annotée
par Michel Sicard
préface d'Yves Bonnefoy
Mercure de France, janvier 1999