REVUE
DECHARGE N°166
Extraits
"C'est bien en revanche une qualité première du poème de Georges Bonnet que de savoir rendre présentes les plus humbles choses: " Tout y rencontre sa juste place", observait encore Pierre Dhainaut.
Vingt ans plus tard, les poèmes de Derrière un rideau d'ombres, dernièrement paru aux éditions Océanes, ne démentent pas le constat:
L'hiver venait à mourir
et tout était offert
de ce qu'on appelle la terre et le ciel
la mer et ses cantiques
ce qui n'est à personne
un peuple de graminées
à l'ancre d'un rocher
l'air cru l'effervescence
la lune sur les prés
dans un autre silence
"
Page 36 : sur, et avec Georges Bonnet, lecture de Claude Vercey.
*
"Le bonheur et l'amour -- ici il n'est pas question de savoir si on peut avoir l'un sans l'autre -- n'ont pas besoin de confort. Le confort signe leur déconfiture.
Une chose aussi extraordinaire que la parole -- sans laquelle rien n'existerait ! -- que chacun traîne impunément dans la boue de la conversation...
La vie, laisser fondre."
Jean-Pierre Georges, page 55.
*
"
Après le massacre
Le crépuscule désosse les montagnes
Sur la crête une femme - squelette
emmène les arbres
En bas dans le village l'herbe est noire
et étrange
De l'étrangeté encore plus noire
des maisons le cri d'un chant
Ou est-ce un oiseau
"
Gisela Hemau, page 69
*
"
Sanctuaire
CHAMP DES APPARITIONS
On ne les avait pas encore aperçus
notre désert était une voile blanche
où nul grand oiseau n'avait battu de l'aile
Une seule tache rouge dans un pli
et tout serait bu dans le sang de l'oiseau
et nous ne serions plus qu'une forme en pleurs
Mais un antique héron poudré de cendre
dans l'angle aveugle de cette aube absolue
retenait vive ton ombre au bout d'un fil
impuissant à paraître au creu de ton être
il allait et venait à pas de lumière
il cinglait loin du champ des apparitions
"
Tristan Félix, page 83.
*
"
Tisserande
TOUTE
blancheur a saisi
mon corps
Pompéienne adoubée de cendres,
je ne me tords plus contre la nuée,
ce que je ne peux comprendre,
je le rends à l'ancienne
qui file la blanche souvenance.
Ayant parcouru la moitié de ma vie,
j'ai renoncé au teint : la trame de mon histoire
s'est effilochée, chrysalide de désobéissance.
Laines pubiennes, folle crinière, ne racontez plus.
La blancheur est tôt venue, elle s'emparera
de mes os.
Blanche descend pour abolir, faire
silence.
J'ai ôté du métier ce que je fus,
celle que je serai.
"
Delfine Guy, La femme en Louve et autres poèmes, page 121.
Elle a publié longtemps sous le pseudonyme d'Andréa Taos, dont Décharge a publié Bleu de chauffe en 2011, dans la collection Polder.
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Riche revue que celle de Decharge, généreuse, et, dans ce n° 166, agrémentée d'oeuvres apaisantes de Coline Bruges-Renard.
Directeur de la publication : Jacques Morin, comité de rédaction : Claude Vercey, Alain Kewes, Jacmo.
Le numéro 167 sort en ce moment-même.
REVUE
FESTIVAL PERMANENT DES MOTS
n°6
Extraits
Ouverture
Bernard Noël
"Qui pleurait, quel bel ange filant
Danse doucement sous la fragile aurore adoucie ?
Par ces beaux jardins se risquent d'ocres oiseaux inconnus.
Traine un fol amant s'attardant.
Doux vent de miel se répand."
(Poème composé sous contrainte harmonique (explicitée avant le texte), méthode couramment utilisée par le musicien pour composer un morceau en hommage à une personne.)
*
Puits
Edith Masson
"pétale à pétale ce jour s'ouvre tu l'oublies la lumière te le dit
tu la trouves assise à ton réveil venue pendant que tu dormais
sa peau déjà s'use tu as trop dormi elle quitte le zénith
on t'a touché tu restes écoutant le voyage en dedans des pen-
sées ces dos de poissons dorment tu les caresses longtemps
dans la saison immobile
le matin brûle désormais tu t'en remémores la fraîcheur
c'était la main passée d'ombre à jour fraîche au front c'est au-
jourd'hui cuisant à pleine bouche un fort baiser"
*
Escale
Gérard Leyzieux
"Formes colorées d'air et d'espace
La voix résonne aux cloisons du regard
L'eau est là, elle aussi, qui se lamente
Le hâle, qui se laisse caresser, s'étale, s'étale, s'étale...
Aux pétales l'éclat du saltimbanque
Des mains, des corps, des mots, des idoles
Là où la vie s'arrête et laisse sa marque
Empreinte d'échos clairs de clameurs chamarrées
Un son qui s'apparente à la matière"
REVUE
FESTIVAL PERMANENT DES MOTS
n°5
Extraits
Ouverture
Serge Pey
"Pour vraiment lire un poème
il faut savoir effacer les pliures
des regards
de ceux qui l'ont lu avant nous
en le tordant"
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Orfèvre
Guillaume Krempp
"Il y a des nuages passants par mes lèvres
Masque de brouillard pour mes mots de velours
Ils pleuvront sur tes pensées d'orfèvre
Souviens t'en, j'attends ton retour."
*
Second souffle
Georges Thiéry